Tout est bien qui Finnish bien

Voilà. C’est la fin. La FINland. Avant de fouler le sol du pays, nous n’avions jamais pensé à ce que cachait son nom : la fin de la terre, l’ultime territoire avant le cercle polaire. Pour nous aussi, c’est la dernière terre – du moins pour ce voyage. La fin d’un périple de 4200 km à travers 10 pays. Nous y voici presque.

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Ne nous reste qu’à enjamber la Baltique qui sépare les côtes finlandaises et estoniennes. De Tallinn à Helsinki, ce couloir maritime est le plus emprunté au monde. D’immenses ferrys assurent la transhumance quotidienne de milliers de passagers. Nous en serons bientôt. À moins que…  Lire la suite

Tallinn and out

Notre 37ème et dernière conductrice est une femme ! Maia nous sauve in-extremis de l’averse. Elle rentre chez elle, à Tallinn, notre dernière étape « terrestre ». Elle avoue ne pas savoir pourquoi elle nous a invitées à monter. « Je ne prends jamais d’autostoppeurs mais quand je vous ai vues, j’ai eu envie sans réfléchir ». Ne pas faire peur, attiser la curiosité, l’envie de se connaître, voilà tout le concept de ce voyage. Sur ce point, le pari est réussi.

MaeaElle s’inquiète – comme tous les autres – de savoir si le stop n’est pas trop dangereux « pour des filles ». Nous lui expliquons – comme aux autres – que c’est justement parce que l’on est des filles qu’il est important de le faire. « Vous êtes des féministes ? ». Étrange comme dans sa bouche, le mot sonne comme une injure. Si être féministe c’est vouloir l’égalité, la liberté de penser et de se mouvoir, refuser que certaines activités ne soient réservées qu’aux hommes – plus « forts » plus « capables de se défendre », alors oui, nous sommes féministes. Maia, elle, dit ne pas l’être du tout. Elle aime que son homme gagne plus, lui achète de beaux vêtements, lui ai offert cette voiture. Elle apprécie les «tâches de femmes». « Tu veux dire le ménage ? » Oui, entre autres. Entretenir la maison, tout ça… Lire la suite

1,2,3 Sommeil

Art-deco-rigaBien qu’elle rivalise de beauté avec Prague ou Budapest, avec son centre-ville constellé de monuments de jadis, ses ruelles d’autrefois et son patrimoine architectural art-déco de naguère. Même si elle s’enorgueillit du titre de « Petit Paris du Nord » et que quelques ancêtres d’Aurélie hantent son enceinte fortifée… Nous nous demandons bien pourquoi (bordel, pourquoi ?) Riga est surnommée par les guides « la ville qui ne dort jamais »…

Car le moins qu’on puisse dire, c’est que l’activité nocturne n’y est pas précisément remarquable… Ce n’est pas faute d’avoir essayé pourtant. Nous avons marché, marché, en quête d’un bar où les serveurs ne seraient pas déguisés en ménestrels (héritage médiéval oblige). Après quelques tentatives avortées (on a pourtant trouvé The place to be, une ancienne usine, sans troubadours ni putes russes, mais où chacun reste sagement à sa table jusqu’à ce que saoulerie s’en suive), nous entreprenons de profiter plutôt de la Lettonie côté jour. Lire la suite

Espèce de Kaunas

Âmes sensibles, attention, nous vous invitons à ne pas aller au bout de cet article, qui comporte une scène insoutenable.

centre-europeTout a pourtant débuté sur les chapeaux de roues. En quittant la ferme, Michat et Waldek, nos premiers conducteurs du jour, nous ont offert une escale à Suchowola, ville supposée être l’exact centre géographique de l’Europe (information à prendre toutefois avec des pincettes puisqu’elles sont plusieurs bourgades à se disputer le titre). Mais faisons abstraction des querelles de voisinage. Pour l’heure, nous y sommes, en Europe. Au beau milieu exactement.

Mais pas du voyage… Puisque nous voyons la destination finale se rapprocher à toute allure. Le stop « marche bien ». Trop bien même… Nous avons souvent à peine le temps de poser nos sacs et de prendre en photo notre chère pancarte, qu’un camion s’arrête pour nous embarquer. Lire la suite

Bison futé et bonne étoile

Rarement notre bonne étoile n’aura été si étincelante. Elle s’était pourtant fait discrète ces jours-ci : tantôt réfrigérante lorsque que nous apprenons à l’accueil de l’hôstel « Oki Doki » de Varsovie que le prix des chambres est indexé sur le taux de remplissage – selon un système de cotation façon Wallstreet (plus ton dortoir est blindé, plus tu raques pour ton lit, logique…) – tantôt facétieuse quand elle nous pousse à prendre systématiquement les trams dans la mauvaise direction (nous en avons emprunté en une seul journée presque autant que de véhicules depuis le début de ce voyage) – chafouine, alors que nous parvenons enfin (après 38 trams) au musée de l’insurrection de Varsovie, le jour de sa fermeture (aux lecteurs qui souhaiteraient s’y rendre, c’est le mardi)…

aurelie-varsovie-bialystokÀ l’heure où nous avons quitté la ville cette fameuse étoile semblait même s’être totalement fait la malle derrière les nuages. La faute aux erreurs d’aiguillages et au musée fermé, nous étions en retard. La nuit n’allait pas tarder à tomber, tout comme l’orage qui menaçait.

C’est alors qu’elle a pointé le bout de sa queue de comète, penaude – regrettant probablement les quelques mauvais tours qu’elle venait de nous jouer ?

Car en plaçant Stanislav sur notre chemin, elle a fait d’une pierre deux coups.

Lui nous confie d’emblée qu’il culpabilise depuis 200 km de n’avoir pas vu à temps le précédent autostoppeur posté sous la pluie. Nous lui offrons donc la chance de se rattraper. Si ça peut soulager sa conscience, nous sommes doublement comblées. Lire la suite

War-shaw

« Varsovie est laide. Passez votre chemin, il n’y a rien à voir ».

carsovie-manhattanVoici ce que l’on nous avait maintes fois recommandé. Mais comme nous n’en faisons – toujours – qu’à nos têtes, nous avons tenu à en juger par nous même. Et grand bien nous en a pris. Car, si effectivement la capitale polonaise est plutôt austère à première vue, c’est toute l’histoire du pays qui est inscrite sur ses murs. Vieille ville, bâtiments hérités du communisme et constructions hyper modernes s’y toisent en chiens de faïence. Prise entre les feux des allemands et des russes, c’est l’une des villes ayant le plus souffert de la Seconde Guerre mondiale. 


vieille ville bdLorsqu’en août 1944, les résistants se sont soulevés contre l’occupant, il a fallu moins de deux mois à l’Allemagne nazie pour réduire leurs espoirs à néant et la cité en cendres. Cet été là, à l’instar du soulèvement du ghetto de Varsovie en 1943, c’est la ville toute entière qui a tenté un sursaut héroïque. Suicidaire peut-être, mais pour que l’honneur (honneur dont le peuple polonais ne semble jamais s’être départi, ayant, même après la défaite initiale, refusé de signer l’armistice avec l’armée d’Hitler) demeure sauf.
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L’auberge polonaise

Ça commence comme ça. Dans un bar. Nous venons d’arriver – avec le concours de deux conducteurs : l’un dans une fourgonnette déglinguée, l’autre au volant d’une luxueuse berline. Le premier nous offre une glace et un litre de bière chacune. Le second nous dépose devant la porte de notre hôte BedyCassite et Cracovite. Ça commence bien.

Mais revenons au bar. C’est un bar ordinaire avec une terrasse animée et des musiciens en sueur dans leurs marcels. L’un de ceux qui animent les ruelles pavées de Kazimierz, le quartier juif où convergent chaque soir les fêtards de la ville. Dans ce bar comme dans tous les autres, on sert et on boit de la vodka. De toutes les couleurs et sous toutes ses formes.

Ça commence donc avec de la vodka. Ou presque… Car tandis qu’Aurélie se dandine au rythme d’un raga local endiablé, Sandra se charge de passer commande. Il n’y a pas de menu bilingue mais une ardoise en polonais. Elle pointe un doigt en direction du premier nom qui y figure et en a tend deux autres « two of this ». Elle qui aime les surprises ne va pas être déçue…

DSCF7241La serveuse porte un plateau mais nul verre à shot. Encore moins de vodka. Seulement deux grands bols. Pleins à ras bords. De cacahuètes… De quoi organiser une orgie, nourrir une armée de singes ou se faire plein de potes! Vous imaginez bien que nous tablons sur cette dernière option. Lire la suite

The place NOT to be

Amis Slovaques veuillez accepter par avance nos excuses pour cet article saturé de mauvaise foi, mauvaise humeur, mauvaises ondes… qui heurtera la sensibilité des plus jeunes et/ou patriotes d’entre vous.

  • Bardejov, 18h30 Nous débarquons avec une bruine aussi persistante que cette question « mais qu’est ce qu’on fout là ? ». Le ciel est gris, il fait presque nuit mais il n’y pas un chat (ni gris ni rien). La place centrale, dont les bâtiments aux façades colorées figurent parmi les incontournables, est absolument déserte.
  • Bardejov, 19h Nous errons parmi les ruelles attenantes en quête d’un hébergement. Les portes des deux premières auberges sont closes. Celle que nous parvenons à dénicher, un peu à l’écart du « centre » a le mérite – selon l’inscription qui figure à l’entrée – de posséder des chambres « avec vue sur les remparts ». Nous espérons y être accueillies à bras ouverts compte tenu de l’affluence en ville. Pas tout à fait… La réceptionniste daigne détourner les yeux de l’écran géant qui diffuse une version locale des « Feux de l’amour » pour consulter son carnet de réservation. Il lui faut cinq bonnes minutes pour nous confirmer qu’une chambre est disponible (à moins qu’une meute de japonais n’ait prévu de séjourner ici, nous aurions pu le lui certifier illico…).

Elle ne prend pas la peine de nous y conduire et préfère indiquer la direction de l’escalier d’un geste vague (il faut dire qu’à ce moment précis, Pamela déclarait sa flamme à Mickaël). Pour la vue sur les rempart, ils n’avaient pas menti – encore faut-il avoir une formation de contorsionniste pour en profiter. Les plus raides se contenteront d’admirer la devanture de la supérette d’en face (au rideau fermé, cela va sans dire).

  • fontaine-lumineuse-bardejov-slovaquieBardejov, 19h30. Bien décidées à « laisser sa chance » à la ville, nous nous équipons pour une promenade nocturne. Des trésors insoupçonnés nous attendent certainement quelque part. Notre impression initiale est hélas rapidement confortée (malgré la fontaine pyrotechnicolorée qui nous fait de l’œil.)
  • Bardejov, 20h. Nous comprenons que l’animation toute entière se concentre dans un seul troquet. Une poignée de jeunes y enchaînent les pintes entre deux parties de fléchettes.
  • Bardejov, 20h30. Fléchettes, donc (on tente de s’intégrer).
  • bardejov-flechettesBardejov, 21h00. Le capitaine de l’équipe de fléchettes, après nous avoir aidé à démarrer la partie, nous ignore. Nous l’avons déçu en n’atteignant pas les 501 points, on le craint.
  • Bardejov, 22h00 Le bar est quasi-vide. On se résout à rentrer à l’hôtel pour profiter de la vue de la chambre (il y a une promotion saucisses toute la semaine).
  • sandra-stop-pologneBardejov, 8h00 Nous n’avions jamais été si pressées de voir le soleil se lever, si promptes à boucler nos sacs et si matinales sur la route. Nous supplions presque les automobilistes de nous tirer de là. La Pologne, vite !

Amis slovaques, sans rancune ? Promis, on retournera voir à l’ouest si vous y êtes. 

Leçons de (bonne) conduite

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En voiture on apprend beaucoup! Entre Panticeu (Roumaine) et Debrecen (Hongrie), nous sortons notre carnet et prenons note de quelques leçons d’usage dispensées par nos conducteurs.

(Ne) finis (pas) ton assiette!

Et Grèce, nous avions commis moult impairs en dévorant nos plats jusqu’à la dernière miette. L’usage veut qu’on laisse un peu de nourriture afin de montrer que l’on a les moyens de l’abondance et que le repas était suffisamment copieux.
En Roumanie, chez Niko et Georges, le couple qui nous a extirpé de Panticeu et nous a invité dans la foulée à prendre le goûter, notre appétit est vu d’un bon oeil. Les biscuits sont succulents. Impossible de nous retenir de les engloutir, tous sans exception… Heureusement, pour eux, finir son assiette est signe l’on a apprécié le repas. Et tant mieux si on en redemande.
Ici la gourmandise n’est pas un vilain défaut.

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En ligne avec Allo la Planète (sur le Mouv’).

Le conducteur suivant hélas déguste plus qu’il ne savoure. Souffrant d’une rage de dent, baffrer lui est déconseillé. Tout comme parler… Ainsi, il ne décroche pas un mot durant les deux heures que durent le trajet et ne peut qu’approuver ou contester d’un hochement de tête.

Apprends le ni-oui ni-non.
Avec lui, un « oui » se fait comprendre d’un hochement de tête de bas en haut. Comme en France. Mais en Bulgarie, c’est l’inverse : inclinaison de gauche à droite pour acquiescer. Comme un notre « non », donc. En Grèce, c’est dans le lexique que ça se complique : « oui » se prononce « né » et « non » : « ochi ». En Bulgare, « né » c’est « non ». Quand un Grec et un Bulgare se rencontrent, vous imaginez donc le quiproquo…

frontiere-roumanie-bulgarie-aurelie-georgioFerme la porte (des toilettes) derrière toi.
Georgio, roumain résidant depuis 13 ans en Italie, a vraisemblablement emprunté beaucoup aux usages de son pays d’adoption. Un rien macho, s’exprimant de tout son corps, il refuse d’admettre qu’il s’est trompé de direction et accuse le GPS  d’être à l’origine de l’erreur et insulte le « stupido » appareil à coups de « Cazzo » retentissants.
Quand on lui demande de faire une pause aux toilettes, il ne manque pas de plaisanter sur les femmes (ces pisseuses) mais conscent  à s’arrêter à la station essence suivante. Les cabines ne ferment pas à clé. Nous le découvrons en tombant nez à nez avec une Mama accroupie. Comme en Grèce d’ailleurs, où bien souvent, aucun verrou n’est installé. Penser à frapper aux portes – et espérer que les autres en fassent autant…

Fortes de ces enseignements, c’est à la lisière de la Hongrie nous nous s’apprêtons à les mettre en pratique – en attendant les probables contre-exemples et exceptions (culturelles) à venir.

 

Dernière ligne, pas très droite…

3h00
« Tu ne penses pas qu’on devrait rester un jour de plus à Sulina ? »
En vrac, Sandra énumère les arguments – des plus cartésiens aux plus absurdes: « ici c’est vraiment des vacances, on ne retrouvera pas un tel endroit, si on atteint Odessa après-demain, ça fera pile 28 jours… » Les contre-arguments d’Aurélie ne sont pas plus convaincants : « On s’était mis d’accord, on n’aura peut-être pas le temps en une seule journée, on ne verra rien de l’Ukraine… »

4h00
Incapables de prendre une décision, nous nous en remettons au hasard : un lei local tranchera. Sauf que la pièce roule sous le lit et demeure introuvable… 

IMG_41485h30
Le réveil nous tire d’une d’une nuit insomniaque, mais qui nous a tout de même porté conseil: c’est décidé, nous nous lançons à l’assaut de la dernière ligne droite.


6h30

Sur le pont, Sandra tente désespérément de retenir le ferry prêt à lever l’ancre. Aurélie est encore à quai, à la recherche d’un petit-déjeuner. Elle embarque tout juste à temps pour effectuer l’unique liaison quotidienne, depuis les confins du delta jusqu’à la métropole de Tulcea

IMG_7108Un pied à terre aussitôt suivi d’un pouce en l’air. Pas de temps à perdre, la journée s’annonce marathonienne. Filip et Sylvio l’ont bien compris. Père et fils acceptent de nous conduire d’une traite jusqu’à l’embarcadère de Galati.

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NB : La logique de ce trajet échappe certainement au lecteur non géographe. Ainsi la carte ci-contre fournira un précieux éclaircissement sur l'(il)logique de notre itinéraire. Notez qu’à vol d’oiseau, Odessa n’était qu’à quelques miles… Suivant l’adage que nous avons fait nôtre (l’important n’est pas la destination blablabla…) nous résistons à la tentation de parcourir le trajet en bateau (ok, admettons qu’il n’y en avait pas…). 

13h00
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Sur l’autre rive du Danube, la Moldavie n’est pas très loin. Pour l’atteindre, Viorel nous ouvre les portes de son véhicule et, par chance, son meilleur ami n’est autre que le «chef de la frontière roumaine»! Un coup de fil passé et ce dernier nous accueille tout sourire à son poste. «Elle est interdite aux piétons mais je vais vous arranger ça». IMG_7134D’autorité, il «conseille» à  la première voiture de nous prendre comme passagères. Grace à ce stratagème et à la complicité de Liubovi et Jorj, nous franchissons donc sans encombres la double frontière (c’est-à-dire, en échappant au racket des douaniers moldaves qui est légion) – non sans poireauter tout de même deux bonnes heures sous un soleil cuisant…

15h00
Le couple de « passeurs » nous dépose devant le poste frontière Ukrainien. Cette fois, nous sommes à pieds et – on est prévenues – ça peut nous coûter un bras… D’emblée, le commandant en chef (et en treillis) nous jette des oeillades aguicheuses. L’occasion de titiller deux jeunes femmes ne se présente pas si souvent. Nous aurons droit à toutes les attentions.

– Possédez vous des armes ? Couteaux, matraques, peper spray… ?
– Heu, non…

(La lacrymo nous semblant un moindre mal, nous préférons répondre par la négative à l’ensemble – alors qu’à vous lecteurs, on peut le dire, on a une petite, toute petite bombe…)
Mais bien vite, la supercherie est détectée par le rayon X du passe-bagage dans lequel on nous somme d’introduire les nôtres.

– C’est que… Heu… En fait nous n’avions pas compris la question…
– Ici, c’est interdit. Vous irez deux jours en prison. A moins que… Vous avez 10€ ?

Dépourvues de toute liquidité, nous tentons de négocier, de façon à éviter l’internement, sans pour autant nous soustraire à la corruption (les sourires niais ça marche?) En fin de compte, nous sommes simplement délestées de l’objet du délit et gratifiées d’un clin d’oeil libidineux : « Welcome to Ukrania ».

16h00
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L’ukrainien n’étant pas traité par notre guide de conversation, c’est en russe que nous tentons d’expliquer à Stepan et Nicolaï que nous voyageons en autostop. Rien n’y fait, ceux-ci nous déposent à l’entrée de la gare routière de Reni. Cependant, même si nous avions voulu tricher en empruntant l’un des bus locaux, nous aurions été bien en peine de le faire car la station est parfaitement déserte…

17h00
Vladimir ne va pas à Odessa mais peut nous conduire à Izmaïl, cela nous rapprochera. La ville n’est qu’à 50km mais il nous faut 1h30 pour l’atteindre compte tenu de l’état de la route. « c’est comme ça partout en Ukraine ? »

18h30
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Nous voici sur un rond-point, très exactement au beau milieu de nulle-part. Soudain, du néant – telle la seule âme vive de ce paysage lunaire – surgit un chien. Si il n’avait pas eu de laisse, nous aurions certainement pris peur. Mais à le voir là, ventre à terre et langue pendante, nous décidons de stopper sa course de dératé. L’animal est visiblement perdu. Que faire de lui? Nous partons en quête d’un candidat à l’adoption… 


Lorsque nous pénétrons dans une auberge, deux femmes nous gratifient d’un «comme il mignon votre chien !» Nous avons beau nous échiner à leur expliquer que ce n’est pas le nôtre, que nous l’avons trouvé là, elles ne nous croient pas. Il faut dire que notre protégé met du sien pour les convaincre du contraire. Lorsqu’alternativement, nous nous rendons aux toilettes, il hurle à la mort… 


Aurélie décide alors de l’attacher dehors et de croquer son portrait sur une affichette. Sandra consulte Google Translate afin de persuader nos hôtes incrédules : « ce chien a perdu son maître ».

IMG_7180Pendant ce temps-là, elles nous concoctent de quoi nous restaurer. Une demi-heure plus tard, nous délectant d’un bortsch maison, nous réalisons que notre compagnon s’est carapaté sans dire au-revoir… 

19h00
Plus de chien, pas de voiture, peu d’espoir. Et cette pancarte qui nous nargue… Odessa : 300 kilomètres. 

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On se donne une heure avant de trouver – sinon, nous retournerons chez nos copines aubergistes et leur demanderons asile pour la nuit (après cette journée de fou, ce sera le cas de le dire).

IMG_419419h30
Un couple s’arrête. Olga et Stanislav sont installés à Kiev mais rendent visite à leurs parents, à Izmail. Pas d’Odessa donc. Et Tatarbunary? (Que le premier lecteur qui a déjà posé un pied dans cette ville se manifeste sur le champ). Non plus.
Pourtant, ils nous font signe de monter. Le bord du chemin où nous sommes étant aussi peuplé que le Sahel, ils proposent de nous mener à un meilleur spot : une station essence (joie : ça faisait si longtemps). 

Par empathie, Stanislav décide de nous trouver lui même un conducteur. Ce qu’il parvient à faire en moins de trois minutes. Sauf que… Entre-temps, Aurélie réalise avoir, dans la précipitation, oublié son portable sur le bord de la route (près de feu le chien, donc). Ni une ni deux, notre super couple/sauveur file à sa recherche tandis que nous faisons la connaissance de Danis, l’odessite qui offre de nous conduire à destination… finale!

19h30
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Le téléphone récupéré, nous remercions Olga et Stanislav avec un enthousiasme qui doit leur échapper. Mais voyez plutôt : il y a 28 jours exactement, nous quittions Berlin. Grâce à eux, et à nos 39 autres conducteurs, nous ne sommes plus qu’à quelques heures du but.

20h00
La route va être plus longue que prévue. L’asphalte est grêlé de nids de poule et nous empêche de dépasser les 70 km/h (c’est donc vraiment partout comme ça…?). Cela au moins le mérite de nous permettre d’échanger avec Danis qui, par chance, parle anglais. Lorsque nous lui racontons l’histoire du « pepper spray » à la douane, il répond : « Ridicule! Ce n’est pas interdit ici. La preuve, tout le monde possède des armes. Là, par exemple, j’ai un gros couteau… »
– Ah… Et bien nous, on n’a même plus de pepper spray (mais toute confiance en lui, heureusement). 

21h00
A chaque carrefour, la police hèle un véhicule sur deux. « Pour eux, c’est tout bénéf’ parce que lorsqu’ils t’arrêtent pour excès de vitesse, ils te proposent soit de payer l’amende à l’État, soit de ne payer que la moitié, mais à eux ». Evidemment, la plupart des gens choisissent la deuxième option. Très rentable d’être flic…

IMG_7242Danis, qui auparavant était gogo dancer (on adore…), est désormais manager d’une entreprise de construction. Il explique que tout fonctionne à la corruption. « C’est un système à intégrer. Il y a peu de place pour les gens complètement honnêtes, si tu ne ruses pas un peu ici, tu es mort (ou pauvre, selon) ».

22h00
Preuve par l’exemple : Danis offre de faire un détour pour nous montrer l’ancienne forteresse Akkerman, à 80 kilomètres d’Odessa. Même si, après 16 heures de route, nous avons surtout hâte d’arriver, nous n’osons pas refuser.

– Mais… à cette heure-ci, ça ne risque pas d’être fermé?
– Si, c’est même sûr. Mais avec un peu d’argent, on peut ouvrir toutes les portes…

De fait, dès qu’il leur glisse des billets dans la main, les gardes nous invitent cordialement à pénétrer dans l’enceinte désertée.

IMG_7234Le lieu est à couper le souffle. Sous la (pleine) lune, nous déambulons dans les ruines du château qui domine un immense lac (excusez l’absence de précision de la description, mais à cette heure-là certains neurones ont sauté – comme nous sur la banquette arrière).

23h00
Ça y est, nous y sommes. Comme dans un rêve cotonneux, nous arrivons, enfin. Odessa, où c’est çà ? Et bien c’est juste là…

Et il semble que nos aventures ukrainiennes ne fassent que commencer (le fin mot de l’histoire, demain – si, comme nous, vous tenez jusque-là). 

Yaourt bulgare

NDLR : parler le yaourt est une technique qui consiste à produire des sons, des onomatopées ou des syllabes qui font penser qu’il s’agit d’une langue réelle.
Ceci, couplé à une méconnaissance totale de l’anglais (pour la plupart de nos interlocuteurs) produit fréquemment des échanges de ce type:

– « What is it ? »
– « Yes… »

– « Where is the center ? »
– « No… »

Voici quelques exemples des dialogues de sourds qui font notre quotidien depuis que nous arpentons les routes de l’Est. Sourdes mais pas muettes, nous nous acharnons à communiquer en toutes circonstances.

IMG_6875Pas de problème avec le concierge de l’hôtel Kempinski de Sofia, qui – clientèle internationale oblige – parle au bas mots douze langues, y compris un français académique. Il nous concocte un itinéraire et insiste pour nous que nous nous fassions conduire par l’un de ses chauffeurs en voiture de luxe (« si c’est gratuit on a le droit non ? »). Malgré tout, nous lui préférons la promenade pédestre (nous savons rester simples voyez-vous 😉

IMG_3887Nous sommes d’ailleurs très agréablement surprises par cette visite de la capitale (dont on nous avait dit le plus grand mal et qui, contre toute attente, recèle un centre-ville parsemé de vieilles églises, ruines turques et  monuments à couper le souffle). Seule ombre au tableau, l’accès aux fontaines y est désespérément interdit. 

Les choses se corsent lorsque nous pénétrons le camion-citerne de Stephen. Le chauffeur poids-lourd a beau y mettre beaucoup bonne volonté, la « communicamion » entre nous est pour le moins hasardeuse. Voyez plutôt…

(Notez la très réussie tentative de « parler-bulgare » d’Aurélie).

IMG_6887Le second chauffeur du jour maîtrise un anglais correct mais  parle surtout couramment espagnol, ayant vécu et travaillé un temps le long de la Costa Brava. Nos palais quasi-serbes permutent sans mal vers la langue de Cervantez (ou Dali, ou Nadal, ou Almodovar – selon affinités électives).


IMG_6895Le dernier chauffeur, qui assure la dernière portion de trajet jusqu’à Veliko Tarnavo n’aime quant à lui tout bonnement pas parler. Il n’aime d’ailleurs pas grand chose : ni les chocolats que nous lui offrons, ni les animaux (il ne comprend pas que nous soyons attristées à la vue du cadavre de hérisson sur le bord de la route…), ni les enfants (« qui sont comme des animaux » – les préfère t-il à l’état de dépouille?). Il n’hésite pourtant pas à réaliser un détour non négligeable pour nous conduire à bon port, empruntant les ruelles escarpées du centre historique de cette ville à flanc de colline.

IMG_3978Avant même de nous faire visiter l’établissement, le tenancier du «Nomad hostel» (un personnage fantasque auquel nous pourrions consacrer un article entier mais que nous vous invitons à découvrir par vous même si d’aventure votre route vous mène ici), nous tend deux louches et nous invite à déverser le contenu d’une marmite géante dans une série de bocaux en verre.

Du yaourt ? Bulgare?! Exactement ce dont nous avions besoin…

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Mikul’OFF

« Une petite portion d’Italie apportée en terre de Bohème par la main de Dieu ». Lonely Planet trouve toujours LA formule qui vous donne envie de faire un détour. Celui de Mikulov le valait bien et nous avons passé deux jours au calme de sa forteresse fortifiée « trois fois détruite et autant de fois reconstruite, d’où l’on peut admirer un panorama de collines verdoyantes plantées de vignes centenaires » – Pour plus de détail géographico-historiques, rendez vous page 331 du LP Europe de l’est. Pour la version « underground » – vous êtes au bon endroit. 

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Se loger
Arrivées à 20h, en plein mois de juillet, dans une station aussi couverte d’éloges par le guide, sans réservation, nous nous attendions à coucher à la belle étoile… C’était sans compter sur l’aide de Milan, aubergiste de son état qui nous a déniché une chambre dans une penzion improvisée dans un garage à ambulances.

lapins chambreTchèque-in : un rottweiler plus prompt aux grognements qu’aux caresses de bienvenue nous accueille. Son maître, tout aussi peu enclin à la négociation, ouvre son unique chambre à la décoration délicieusement surannée. Il s’avère que nous ne le reverrons plus des deux jours et pourrons finalement Tchèque-out à l’heure qui nous conviendra (16h ?), en déposant les clés à l’entrée. Après tout il a raison, pourquoi s’échiner à se connaître, nous avons tous bien mieux à faire. À commencer par…

Se restaurer
Vendredi, 20h45, nous voici attablées à l’unique terrasse toujours en service sur la Grand-Place du village (cf. article précédent – dont la thèse ne cesse d’être confortée). Face à nos papilles excitées, le serveur décline un menu à la variété sans pareille: « we have sausage OR pork steak. » Comme vous connaissez notre insatiable curiosité, vous imaginez bien que nous optons pour « un mix des deux ». L’employé revient quinze minutes plus tard, sans assiettes mais l’air penaud: « il ne reste que des saucisses… » Comme vous nous savez conciliantes, vous imaginez bien que nous choisissons « deux saucisses ».

Et voyez-vous, ici on ne badine pas avec l’intitulé. Pas de chichis, pas d’accessoire. Non. Une saucisse, c’est une saucisse, trois louches de moutarde. Point. La République Tchèque, c’est l’art culinaire brut.

Pas plus tard que le lendemain, au petit déjeuner, nous expérimentons à nouveau l’hyper-spécialisation des restaurants de la région.
– Bonjour, est-il possible de déjeuner ? (Sur la terrasse, nous avons remarqué une pancarte mentionnant « wifi and breakfast »- réseau et ravitaillement, exactement ce qu’il nous fallait!)
– Ah, désolé, mais nous n’avons personne en cuisine.
– On peut quand même prendre un café et un jus d’orange
– Désolé, on ne fait pas de café.
– Bon, et bien deux jus, ce sera parfait. (Heureusement, il leur restait un code wifi en salle).

nepijeS’hydrater
Pije ou nepije ? Trois jours après être arrivées, nous découvrons la différence entre eau potable et non potable. Vraisemblablement, celle notre hôtel ne l’était pas…

IMG_0117

Pour noyer notre désarroi (et supporter la chaleur accablante), nous décidons de passer quelques heures à la piscine publique du village. Martin Paar y aurait trouvé ses muses…


Se dépasser
Lac
Un jour sans stop et déjà, la bougeotte nous reprend ! Nous décidons de louer deux vélos pour explorer la campagne vinicole alentour. Sous 42°C, nous sillonnons les chemins, les sous-bois, longeons les étangs aux eaux gros-poissonneuses, nez à l’affut et au vent tiède. Les odeurs de pin, de lavande et d’abricot nous font tourner la tête au point que nous nous égarons à travers champs (après déjà plus de 35km parcourus…). Encore quelques minutes d’errance, et au bout d’une route, telle une oasis… Une STATION-SERVICE ! Une vidéo OFF de la station service ici…aurelie station

Halte au club-med des poucettes pour un ravitaillement comme on les aime, au milieu des odeurs d’essence, avant d’enfin atteindre le château de Letnice. 

Il est alors 17h, et nous sommes censées rendre les vélos avant 18h, à 25km de là (ils roulent à combien au tour de France?). Aurélie avait « juré, promis. » Sandra avait même ajouté « sans faute… » Le retour est donc un sprint final façon Poucettes sous amphétamines… Faut ce qu’il faut dans le vélo. Bilan de la course : nous arrivons à 19h. Le magasin est fermé. Mais dépasser l’horaire d’une nuit, ici c’est admis ?

Lâcher prise
Certains font des saunas, d’autres des siestes ou des orgies gargantuesques (ici nous savons donc que c’est exclu…). Mais quoi de mieux pour se détendre qu’un concert gipsy dans le parc du château – main dans la main d’inconnus de tous âges?

 chateau tourDe toute façon, après une cinquantaine de kilomètres passés sur la selle, s’asseoir est exclu… Alors autant disséminer le peu d’énergie qu’il nous reste au son de cette musique bohème. Et croyez-nous, elle vaut tous les superlatifs des guides. (Mamie Jackson et son swing endiablé en images)