« Comment dit-on éolienne en anglais ? »
Lonel l’ignore., bien qu’avec son frère Lucian, il ait participé à la construction de la seconde plus grande ferme éolienne d’Europe. Dans sa voiture, la cinquième depuis ce matin, on file comme le vent qui souffle dru dans la région. À 150 sur la nationale, même pas peur ! C’est que le type est un pilote.
Nous ne pensions pas y arriver…
Ce matin, quitter notre « Mamie » bulgare a été un déchirement. Et puis, la plage de sable fin, le soleil enjoué, la mer noire si bleue et les « tsatsas » (fritures de petits poissons) semblaient s’être ligués pour nous retenir.
Que les sceptiques soient assurés que nous ne manquons pourtant pas de nous lever tous les matins à l’aube (après ces 28 jours, il nous en faudrait au moins autant pour récupérer, mais comme disait l’autre… « on dormira quand on sera mortes »).
Ce n’est donc qu’à 14h que nous avons quitté Varna.
Objectif : Roumanie.
Comme nous l’avions avoué dans notre tout premier article 2013, nous savions à peine où se situait Odessa lorsque nous l’avions élue destination de notre second périple. Et, plus nous en approchons, plus nous réalisons combien ce choix – peu stratégique – nous complique l’existence. Pour y parvenir, en moins de trois jours maintenant, il nous faut traverser la frontière Bulgare, puis la Roumaine, la Moldave et enfin l’Ukrainienne. Plus le choix donc : il faut lancer le sprint final.
Nous croyions moyennement en notre capacité à atteindre le delta du Danube avant la nuit (450 km plus loin, à l’extrême nord-est du pays).
Et notre départ pas franchement en flèche conforte le doute : trois véhicules en deux heures pour parcourir les 60 premiers kilomètres. Et puis, alors que nous revoyions nos ambitions du jour à la baisse, Andreea et Marius se sont arrêtés, sans même lire la destination inscrite sur notre pancarte.
– On voudrait traverser la frontière roumaine.
– On peut vous conduire jusqu’à Constanta…
D’autant plus prodigieux qu’il prévoient de faire halte à Vama Veche, le village hippie où nous aurions aimé passer la nuit si nous en avions eu le temps. Un verre, huit pieds dans l’eau, juste le temps de se dire que l’on se serait senties bien sur les hamacs de cette terrasse. Ce voyage est un avant goût de tous les suivants…
Dimanche, 19h, retour de week-end, embouteillages en direction de Bucarest… (les Roumains semblent trouver, comme nous, que les côtes Bulgares sont les plus belles).
Le trafic est dense mais nos nouveaux amis – bien qu’à 250 km de chez eux – n’hésitent pas à faire un détour invraisemblable pour nous laisser en lieu sûr, une charmante station aux abords du port de Constanta…
Il nous reste encore plus d’une centaine de kilomètres à parcourir tandis que que le soleil commence à rougir… On craint d’enfreindre notre règle (jamais de stop la nuit tombée) mais Lonel et Lucian nous aident à relever le défi. A les entendre, ils nous « sauvent la vie » (Eh oui, les statistiques sont formelles. Selon eux, nous avions 65% de chance de tomber sur un criminel. La survie ici, c’est précis).
Dans leur voiture, le vent s’engouffre par les fenêtres et la musique, à fond, s’en échappe. Nous nous faufilons entre les charrettes, doublons tout le monde en une course folle que rien ne ralentit.
Vingt kilomètres avant Tulcea, ils nous indiquent l’hôtel où ils logent pendant les six mois que dure leur nouveau chantier. « On va tout de même vous accompagner en ville. Vous pourriez avoir besoin de traducteurs pour trouver une chambre ». Nos « bâtisseurs de turbines » ont sacrément contribué à rendre possible notre pari du jour. Nous ne savons pas s’ils ont réellement compris ce que nous faisions là, l’histoire du Petit Poucet et tout notre tintouin, mais grâce à eux, on approche du but… Lucian baisse soudain la musique :
« Wind flower, on dit wind flower ! »
Le lendemain matin, nous tombons littéralement en amour avec Sulina, un village au confluent du Danube et de la mer Noire. Ses plages de sable noir, son ciel constellés d’oiseaux migrateurs et ses quadrillages de canaux sont notre Ohrid 2013. Il faut vraiment partir, si vite ? Odessa, pourquoi déjà ?
Alors que l’on se demande si l’on reste, que l’on tire à pile ou face en dégustant nos poissons grillés, une chanteuse folk entonne : « the answer my friend, is blowing in the wind, the answer is blowing in the wind ».