Bison futé et bonne étoile

Rarement notre bonne étoile n’aura été si étincelante. Elle s’était pourtant fait discrète ces jours-ci : tantôt réfrigérante lorsque que nous apprenons à l’accueil de l’hôstel « Oki Doki » de Varsovie que le prix des chambres est indexé sur le taux de remplissage – selon un système de cotation façon Wallstreet (plus ton dortoir est blindé, plus tu raques pour ton lit, logique…) – tantôt facétieuse quand elle nous pousse à prendre systématiquement les trams dans la mauvaise direction (nous en avons emprunté en une seul journée presque autant que de véhicules depuis le début de ce voyage) – chafouine, alors que nous parvenons enfin (après 38 trams) au musée de l’insurrection de Varsovie, le jour de sa fermeture (aux lecteurs qui souhaiteraient s’y rendre, c’est le mardi)…

aurelie-varsovie-bialystokÀ l’heure où nous avons quitté la ville cette fameuse étoile semblait même s’être totalement fait la malle derrière les nuages. La faute aux erreurs d’aiguillages et au musée fermé, nous étions en retard. La nuit n’allait pas tarder à tomber, tout comme l’orage qui menaçait.

C’est alors qu’elle a pointé le bout de sa queue de comète, penaude – regrettant probablement les quelques mauvais tours qu’elle venait de nous jouer ?

Car en plaçant Stanislav sur notre chemin, elle a fait d’une pierre deux coups.

Lui nous confie d’emblée qu’il culpabilise depuis 200 km de n’avoir pas vu à temps le précédent autostoppeur posté sous la pluie. Nous lui offrons donc la chance de se rattraper. Si ça peut soulager sa conscience, nous sommes doublement comblées.

Stanislav est agriculteur – de ceux qui possèdent des hectares de champs de blé et maïs, qui élèvent troupeaux de vaches et d’oies par centaines de milliers. Nous, qui gravitons en territoire urbain depuis près d’une semaine, sommes intarissables de curiosité à propos de son exploitation. Il répond avec enthousiasme, accompagné de son plus jeune fils, Tomek – qui rentre à l’université l’an prochain. Les deux larrons font la paire et ils se renvoient la balle pour nous raconter leurs centaines d’anecdotes.

Nous n’avons qu’une idée floue de notre position géographique et pas la moindre de ce qu’il y a à faire dans les environs. Nous avions vaguement eu vent d’une réserve de bisons. Rien de plus. À la question « Où dormez vous généralement ? Nous apportons une réponse évasive. « À l’auberge de jeunesse, où chez des hôtes… Pourquoi ? » « Parce que ce que si vous n’avez rien de mieux à faire, vous pouvez passer la nuit à la ferme… »

Rien de mieux à faire ?! Rien fait de mieux plutôt !! Notre excitation est à son comble.

bialystok-feuL’endroit est magique et c’est comme si nous étions attendues ici de longue date. Les chiens nous font la fête et Szymon (le fils ainé de Stanislav, prévenu de notre arrivée) a illuminé le jardin de guirlandes multicolores, allumé la fontaine-magique et préparé un feu de bois.

Nous ne tardons pas à nous installer autour des flammes, à trinquer de vodka maison à base de noisettes, à chanter en cœur et en fanfare au rythme des guitares.

Le lendemain, Stanislav ordonne (ou presque) à Szymon de nous conduire à la fameuse réserve de bisons. La région en abrite environ 400, et la Pologne 800, soit près d’un quart des spécimens qui peuplent la planète. Nous y croisons également quelques loups, sangliers, cerfs, Lynx et autres espèces en voie de disparition qui ont ici trouvé refuge, avant de nous restaurer d’un encas gargantuesque dans une ancienne gare ferroviaire devenue auberge de charme.

Cette journée n’en finit plus d’être parfaite.

oies-ferme« Si nous pouvons prolonger notre séjour à la ferme ? » La question ne se pose même pas. Nous pouvons passer ici le temps qu’il nous plaira. 

Ainsi avons nous l’occasion de rendre visite à Patricia, gardienne de la faune domestique qui nous présente ses protégés bovins et gallinacés, qu’elle traite avec un soin maternel et à qui elle attribué des prénoms.

vache-fermeNous piplettons en polonais, la seule langue qu’elle maîtrise (nous un peu moins, mais cela ne semble pas la déranger le moins du monde).

La voute céleste est si lumineuse ce soir là que nous décidons de passer une partie de la nuit à la belle étoile.

À se dire que la nôtre est décidément la meilleure de toutes.

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