Des eaux et des bas

bulgarie-debrecen-pancarteBienvenue dans le pays où les noms des villes ressemblent à des codes wifi et où seul un polytechnicien peut prétendre convertir de tête la monnaie locale (diviser 10960 par 264 pour obtenir le prix d’une chambre d’hôtel).

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Nous y faisons la connaissance de Zoli, qui rêve d’être un grand voyageur mais n’a pas encore franchement l’âme d’un routard. Pour son premier séjour à Debrecen, il s’inquiète de ne pas trouver d’hébergement et supplie un ami de réserver à sa place. Il est très impressionné d’apprendre que nous nous allons dormir à l’auberge de jeunesse. Pour lui, c’est là le comble de l’exotisme. Il passe son temps à vérifier l’itinéraire et insiste pour que nous lui fournissions l’adresse précise (alors que l’auberge est située sur la place principale).

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Objectif Transylvanie

« C’est quoi ta religion ? » De la même façon qu’en France la première question posée est invariablement « Tu fais quoi dans la vie ? » et dans les pays du sud : « T’es mariée ? T’as des enfants ? », en Roumanie, comme dans les Balkans l’an dernier, notre appartenance religieuse est LE premier sujet abordé dans les voitures.

Daniel a 23 ans, il est pentecôtiste et « missionnaire » de son église. Il nous embarque à la sortie de Timisoara pour le premier tronçon de la route qui, on l’espère, nous conduira ce soir en Transylvanie.

timisoara-Lugoj-danielIl conduit très prudemment et s’en justifie en nous confiant l’histoire de sa famille. Il y a neuf ans, son frère, sa sœur et ses parents se rendaient au village quand ils ont eu un accident de voiture. Sa sœur avait 18 ans, c’est elle qui conduisait. Elle a voulu doubler un camion qui les a heurtés de plein fouet. Le choc a été si violent que leur père est mort sur le coup. Daniel qui avait 14 ans avait ce jour-là choisi de rester à la maison. Depuis, sa mère n’a pas refait sa vie, son frère s’est radicalisé et sa sœur – après une tentative de suicide, n’a plus jamais retouché un volant. « Les routes sont dangereuses, en Roumanie particulièrement, parce qu’il n’y a pas d’autoroute. Pour aller plus vite, les gens doublent n’importe où ». (et n’importe comment nous pouvons en témoigner)

La prudence à cet instant est aussi dans les mots, choisis. Daniel balaye la gêne en une phrase « Maintenant, mon père est au paradis. La mort n’est que le début ». Voici donc à quoi sert la religion. À encaisser ?

chateau-dracula-roumanieÀ bord du véhicule suivant, qui nous conduit de Lugoj à Deva, l’ambiance est plus joyeuse. Florin insiste pour nous faire visiter un château de sa région. Frustré de son niveau d’anglais, il passe à son domicile de la banlieue de Deva chercher sa femme, institutrice, qui nous accompagnera et assurera la traduction.

Les cheveux rouges vifs, perchée sur des talons de 12 centimètres, Raluka rayonne dans ce château hanté. À l’instar de notre couple chouchou de Bulgarie, elle et son mari jouent les ambassadeurs. Peu importent les détours, ils sont prêts à tout pour nous laisser un bon souvenir de leur pays. Pari réussi, bien que cette escale compromette sérieusement la suite du trajet. À 16h30, nous sommes encore à quatre heures de route de notre destination.

Fort heureusement, le stop est monnaie courante en Roumanie (mais souvent « contre monnaie » – ce à quoi nous nous refusons, l’échange désintéressé étant partie intégrante de la philosophie de notre projet.)

17h: Les conducteurs se suivent et ne se ressemblent pas. 

andrey-georges-sandra-aurelie-iulia-clujLa conversation avec Gorje et Andrey est pour le moins pitoresque – eux qui s’adressent à nous respectivement (et exclusivement) en espagnol et anglais, et parlent roumain entre eux. L’habitacle de la Renaud 21 immatriculée à Marseille (nous ne saurons rien de plus de ce mystère) se change en véritable tour de Babel.

roumanie-mandinga_scale_930_620-2Andrey est passionné par l’Eurovision, sujet de son mémoire de fin de Master de journalisme. « Comment ça, vous ne connaissez pas les candidats français ? Ni le duo roumain arrivé troisième en 2010 ?! »

Sidéré par notre inculture télévisuelle, il tente de la combler tandis que Gorje, au volant, fait le récit de ses huit ans d’errance en Espagne – à travailler au black, dans le bâtiment, la restauration, les champs, souvent floué par ses employeurs profitant de son statut « d’illégal » (à l’époque). Les deux amis semblent n’avoir rien en commun. L’un est aussi pétillant et frivole que l’autre est sombre et profond.

Le stop nous offre décidément un panorama de témoignages contrastés. La suite du trajet ne déroge pas à la règle.

aurelie-cluj-panticeu-stopPour atteindre la maison de nos hôtes chez qui nous sommes invitées à séjourner dans le cadre de notre partenariat avec BedyCasa, nous avons reçu des instructions bien précises : Il nous faut traverser la ville de Kluj et nous poster devant le « Auchan Iris, ancien Réal » en face duquel un café baptisé Fresco Verde fait office de station pour autostoppeurs. Ici débute la chemin de terre battue qui mène au hameau de Panticeu.

Nous parvenons au fameux spot à près de 21h (entre temps, une grand-mère a prié pour nous, des faux-flics (vrais dragueurs) ont contrôlé nos passeports, une bande de jeunes gitans en sabots XXL nous ont fait (un peu) peur…).

On touche au but. Reste à trouver un véhicule charitable pour parcourir les trente derniers kilomètres, en pleine campagne… Cette journée ressemble de plus en plus à une chasse au trésor !

Une dizaine de personnes patientent elles aussi, pouces en l’air. Il faut attendre son tour. Lorsqu’arrive le nôtre, Sophika au volant accepte de nous conduire jusque la porte de nos hébergeurs.

rires-sophika-voitureL’incompréhension est totale avec cette femme avec laquelle nous n’avons pas un mot en commun mais ,excitées comme des puces, nous rions de nos malentendus. Le soleil se couche sur la campagne transylvanienne. Des cerfs nous saluent depuis l’immensité valonée. Nous y sommes, enfin.

Bienvenue-poucettes-panticeuEt un trésor nous attend bel et bien dans la maison de Roxana et Marc – comme une récompense après cette journée marathon. Sur le perron, une inscription à la craie : Bienvenue les Poucettes.

Le jeu vaut toujours quelques chandelles.

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Le juste prix

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Aurélie à la sortie de Vidien (Bulgarie), en route pour Timisoara (Roumanie).

Bobislav s’apprête à passer le Danube, frontière naturelle entre la Bulgarie et la Roumanie lorsqu’il aperçoit nos pouces à l’entrée du pont. À bord d’une camionnette tractant une remorque vide, il file (à 50 kilomètres/heure) en direction de l’Allemagne, où il prévoit d’acheter une voiture d’occasion. 


950 euros pour une Golf diesel modèle 1999. Il lui faudra cinq jours et 3000 kilomètres pour la rapatrier en Bulgarie. Un aller-retour qui lui coutera 350 euros de carburant. Il la revendra environ 1500 euros pour un bénéfice net de 200. Dans dix jours, il renouvellera l’opération avec une Ford.

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Un « leu », des « lei », la monnaie locale en Roumanie. Il en faut 4,3 en 214 pour obtenir 1€

« C’est la crise ici, il n’y a pas de travail. Alors je me débrouille comme je peux ». Déformation professionnelle – ou contextuelle – oblige, Bobby passe les quatre heures de notre transport en commun à jouer à « Combien ça coute ? ». Combien tu gagnes ? Le prix de ton loyer ? Le pain en France ? Une bière ? L’achat d’un appartement ? « Et en location ? » « Et ta caméra là, elle vaut combien ? »

Le niveau de vie en France est plus élevé, certes mais tout de même… Comment justifier qu’un seul de nos appareils photos vaille deux fois son salaire mensuel ?

Paradoxalement, il refuse avec véhémence le billet de 10 lev (5 €) que nous lui offrons – non pas en échange de la course mais parce qu’il sera inutile en Roumanie.

sandra-café-autorouteIl finit par céder bon gré mal gré avant de nous déposer (généreusement) en centre-ville de Timisoara. Après quatre heures passées dans son véhicule, nous avons les jambes qui fourmillent. Lui poursuivra sa route six heures encore. Ou plus, peu importe, il « ne compte même plus ».

S’il était né ailleurs, serait-il de ceux que François et Ludovic auraient interviewé pour leur Projet W ? Ces globetrotteurs professionnels avec qui nous partageons le dortoir de notre auberge de jeunesse font le tour du monde pour réaliser des portraits d’entrepreneurs français oeuvrant pour une économie plus sociale et solidaire. Avec eux, l’affinité est immédiate.

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Aurélie Streiff & Sandra Reinflet avec François Noël & Ludovic Novitch au Freeborn Hostel de Timisoara

Dans le jardinet du « Freeborn hostel », peuplé ce soir là d’un duo d’australiens, d’un roumain, d’une belgo-finlandaise, d’un germano-américain et d’un polonais contorsionniste, nous passons une nuit électrique entre coupe du monde, shot de Palinka et causeries enflammées. Et ça, ça n’a pas de prix. 

La suite et ainsi de suite

Comme l’an dernier, notre ami Gerd, directeur du Kempinski de Sofia nous a offert une étape dans son hôtel plein d’étoiles. Cette pause de 24 heures nous a permis de poster :
1- le clip de La routine, l’hymne des Poucettes
2- les galets promis à nos chers Kisskissbankers. 

sandra-stop-vidin-sofiaEt puis, ce matin, comme l’an passé, le chauffeur du palace nous a déposé l’air effaré sur une station service à la sortie de la ville. Objectif Craiova en Roumanie de l’autre côté du Danube, frontière naturelle entre les deux pays.

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Très vite, un couple propose de nous conduire à Montana, à mi-chemin. Kremena et Kirio vont y chercher leurs enfants restés en vacances chez des parents.

La trentaine, ils travaillent tous deux dans la banque. Lui vient d’apprendre son licenciement, car celle pour laquelle il officie pour 200€ par mois a fait banqueroute – l’épargne des clients est garantie jusqu’à 100 000€ mais il n’en est rien de l’emploi des salariés (ni du revenu des chômeurs…).

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Ils débordent d’enthousiasme. Elle, surtout – qui semble ravie de nous faire découvrir sa passion pour le canevas. Avec moult détails techniques, elle tente de nous convertir à sa pratique (on lui avoue que c’est peine perdue?)

À la question « Vous connaissez Belogradchik ? », ils sont sidérés de notre réponse… négative. S’engage entre eux un conciliabule.

Nous comprenons à demi-mot qu’ils refusent de nous laisser quitter le territoire bulgare sans palier cette lacune. Alors c’est décidé, on y va. Et tant pis pour les 80 km de rab. Les enfants attendront. Craiova aussi.

Lorsque nous parvenons aux portes de ce site naturel inscrit au patrimoine mondial par l’Unesco, nous restons simplement bouches bées. Et ceux qui nous connaissent savent qu’ils est plus facile de faire sourire un russe que de nous clouer le bec.

Ces quelques images parlerons pour nous.

Faute de temps, nous remettons la Roumanie à demain et passons la nuit sur la rive sud du Danube.

Tel un écho à la mélodie du pouce… Qui a dit « Je dévie donc je suis » ? 

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Le poids (lourd) des rêves.

Personne ne part de Melnik. En tout cas aucune voiture. À l’heure de la sieste nationale, le moment est peut-être mal choisi. Alors on se poste à l’entrée du village où un platane de 800 ans nous procure un peu d’ombre et d’où l’on guette le vrombissement d’un moteur.

Celui de Sacho a l’avantage d’etre tellement tapageur qu’il est perceptible de loin. La conversation à bord atteint des sommets :

DSCF0481Son propriétaire nous sort de l’impasse – c’est le cas de le dire – en nous conduisant jusqu’à la Nationale, un peu plus fréquentée. À peine une minute plus tard, un camion ralentit à l’approche du zébra ou nous gesticulons, pancarte à la main…

Boban est serbe et rentre de Turquie, lourd d’un chargement de 35 tonnes de batteries. Le véhicule affiche 855.000 km au compteur et il compte bien dépasser le million avec lui.

Il caresse le volant en répétant : « ça, j’en rêvais enfant. Et maintenant je vis mon rêve tous les jours ». Son père était routier lui aussi. « Mais il n’avait qu’une camionnette. Moi je voyais plus grand. Je voulais conduire un 45 tonnes ! ».

sandra-boban-camionIl lui manque bon nombre de dents mais Boban sourit sans cesse de celles qui lui reste. Il est fan de Zaz et passe de la musique classique à fond bien qu’il s’en excuse « en principe les chauffeurs n’écoutent pas ça… ». Il fabrique ses cigarettes et en fume un kilo chaque semaine. Aurélie doit se sacrifier et en accepter une sur deux – question de diplomatie.

Sandra, elle, consent à se restaurer d’un café soluble (froid) et des biscuits (secs) qu’il lui tend. Nous héritons également d’un magnet d’Istanbul qu’il réservait pourtant à un ami. Nous tentons de refuser bien sûr mais Boban y tient. Il veut nous protéger, porter chance à notre aventure qu’il trouve « great but crazy » (un peu comme tout le monde en somme…). 

Aurélie-chapeau-camionNous aurions aussi aimé lui porter chance avec notre galet, mais vraisemblablement, ce dernier n’était pas suffisamment chargé de bonnes ondes… Vingt kilomètres avant Sofia, des flics nous font signe de nous garer. Boban prépare un billet de 20 lev (10 euros) « c’est toujours comme ça par ici. Il faut payer même quand on a rien fait de mal. Sinon, ils trouvent toujours le moyen de créer des problèmes… »

Les flics nous lancent des oeillades libidineuses tandis que Boban présente ses documents. Ils le somment de descendre du véhicule. Dix minutes plus tard, il revient nous dire de continuer la route sans lui. De son côté, les choses s’annoncent plus compliquées que prévu. « On peut aider ? Non, hélas… »

Nous demandons à l’un des policiers si l’on est autorisées à faire du stop ici, sur la bande d’arrêt d’urgence. « Oui. Et puis pour vous, n’importe qui s’arrêtera dans la minute » (cette phrase est assortie d’un clin d’œil dégueulasse). Le temps de tourner les talons, on l’entend hurler sur notre ami en bulgare.

Merci-Boban-Camion-sandra-sofia-melnikHorrible impression d’abandonner le navire en pleine tempête – bien que Boban fasse bonne figure, nous encourage à ne pas nous en faire pour lui… Nous ne pouvons alors que déposer discrètement un petit mot de remerciement sur son tableau de bord.

Nous nous sentons un peu coupables, privilégiées – d’autant que nous dormirons ce soir dans le luxueux « Kempinski Palace », où nous sommes invitées (pour la seconde fois) par notre ami Gerd, le manager – tandis que lui passera la nuit dans son camion (en espérant qu’il puisse reprendre le volant).

Nos rêves se croisent mais ne se ressemblent pas. Et pourtant, pour quelques instants, on se découvre plus de points communs qu’il n’y parait. 

L’addition s’il vous plait

Cela va sans dire, les Poucettes sont plus littéraires que matheuses…visage PP allongé

C’est donc non sans difficulté que nous avons jonglé avec les conversions monétaires et les fluctuations de taux de change (pour obtenir le prix d’une bière hongroise, c’est facile, il suffit de diviser 173 par 329)…

Nulles en calcul mais de bonne volonté, nous avons tenu une minutieuse comptabilité de toutes les (belles) surprises que nous a réservé ce périple. Le résultat est au-delà de nos espérances. C’est donc l’heure des mercis – des mercis qui comptent.

2 filles – Merci ma Poucette
Merci à toi aussi 

4 pouces – Merci maman(s)
Pour nos doigts en parfait état.

38 contributeurs – Merci KKBB
Christophe, Gaspard , Ramez, Marlène, Sabrina, Jérôme, Delphine, Nathalie, Nicolas, Faustina, Lucile, Pauline, Nicolas, Mathieu, Antoine, Andréas, Jeanne, Joschi, René, Sophie, Jérôme, Nicolas, Virginie, Alain, Benoît, Claudine, Christophe, Tristan, Olivier, Sabine, Fanny, Cécilia, Pascal, Charlotte, Jean-Paul, Anne-Lucie, Claude, Caroline,  Jean-Michel et Bertrand. Grâce à vous, nous avons pu manger (à défaut de dormir!) et partager nos aventures.

2978 kilomètres – Merci Google Map
Même si tu refuses de comptabiliser le trajet parcouru entre Tulcea et Sulina, nous empêchant ainsi d’atteindre un chiffre rond…

9 pays – Merci Michelin
Pour ton indispensable carte routière où figure l’Allemagne, la République Tchèque, l’Autriche, la Hongrie, la Serbie, la Bulgarie, la Roumanie, la Moldavie (…pour 3 kilomètres, soit, mais la preuve est tamponnée sur nos passeports) et l’Ukraine!

16 étapes – Merci Lonely Planet
De quoi réviser sa géo et briller au prochain Trivial Pursuit… Quiz : où sont situés… Mikulov, Keskemet, Novi Sad, Guça, Nis, Veliko Tarnovo, Varna, Tulcea et Tatarbunary ?

7 chambres d’amis – Merci BedyCasa, Kempinski…
Et tous nos hôtes : Ingo, Jean, Stefan, Andras, Dunja, Gerd et Temo.

740 « fans » – Merci Facebook
Et à ceux qui ont levé le pouce sur notre page et « liké » nos publications.

28 articles – Merci WordPress
Et à nos lecteurs fidèles et enthousiastes.

42 °C en moyenne – Merci les fontaines publiques.

80 000 signes – Merci Apple
Poucette équipée en vaut deux : love is in the (MacBook) Air !

100 000 clics – Merci à nos partenaires médias
…d’avoir relayé et médiatisé nos aventures : BusinessoFeminin, Libération, Le Mouv, Mes Bonnes Copines, C-oui, Liligo, ABM…

29 vidéos – Merci Youtube
Et au wifi en libre accès pour avoir permis ces heures de téléchargement… On travaille à présent sur le montage du film!

40 heures de sommeil (en tout) – merci l’hyperactivité

28 jours – Merci la lune

30 millions d’amis – Merci à ceux qui s’y reconnaîtront
Une pensée spéciale pour Stéphanie, Anna, Liliia, Georgi, Devi, Lasha, Temo, Khvicha et Nil. 

Et surtout… 40 véhicules
Merci à leurs conducteurs et passagers d’avoir supporté nos chansons, fait mine de comprendre l’histoire du Petit Poucet en Serbe, ri de nos tentatives de blagues, et surtout, de nous avoir mené à bon port.
John, Chris, Eliška, Jan, Marie-Louise et Monika, Petr, Adela et Guris, Feike, Milan et Adri, Paul, Dehlia et Jajuan, Jovi, Aurelian et Bob, Mihaïli, Rob et Georges, Edith, André et Robert, Vladimir et Dragan, Vladimir, Goran et Secjko, Vidoje et Milan, Dragan, Todor, Stefan, Georges, Daniel, Iliya, Vincezlas, Julian et Annie, Zdravko et Mitko, Zveltozar, Dida et Kamen, Andreea et Marius, Lucian et Lonel, Philip et Sylvio, Viorel, Liubovi et Jorg, Stepen et Nikolaï, Vladimir, Olga et Stanislav, et enfin : Danis… Tout cela a été possible grâce à vous et aux port(ièr)es que vous nous avez grandes ouvertes!

M.E.R.C.I

Odessa plane pour nous

Anna b

Olga de Kiev, nous a conseillé de contacter Anna d’Odessa, qui elle-même nous a donné le contact de son amie Liliia, qui à son tour nous a orienté vers Temo (sachant que ce dernier n’a jamais entendu parler ni d’Olga ni d’Anna…) 

LiliiaToujours est-il que tous ces gens ont fait des pieds et des mains pour nous trouver un lit – et un comité d’accueil – à notre arrivée. Nous n’avons toujours pas compris pourquoi ni comment cette chaîne a commencé (Olga, qui es-tu ?), mais peu importe puisque, grâce à elle, la cérémonie de clôture de notre voyage a été un feu d’artifice.


Temo et ses amis Lasha, Devi et Khvicha so
nt géorgiens, en vacances pour trois semaines à Odessa. Ils ont 21 ans, sont étudiants, musiciens, et, sans nous connaître, ont libéré une de leurs deux chambres pour nos – beaux ? – yeux (et même s’ils affirment dormir aussi bien à deux sur le canapé, nous mesurons leur sacrifice). Ils nous ouvrent leur porte à 11 heures du matin, champagne ukrainien à la main. 

dej allianceQuelques bulles partagées et déjà nous avons rendez-vous pour déjeuner avec Anna (la fameuse donc) – dont nous avons entre temps compris qu’elle était responsable de la communication de l’Alliance Française – et Sylvain, le directeur de ladite institution. Ils nous invitent dans un petit resto du quartier (la cuisine ukrainienne, quel bonheur… les plats de nos copines de l’auberge n’étaient qu’un avant-goût !) et, immédiatement, nous nous sentons chez nous dans cette ville.

IMG_7318Nous l’avions choisie au hasard, sans rien en attendre. On imaginait une station balnéaire un peu bling bling, dominée par une architecture soviétique… C’est tout autre chose que nous découvrons. Odessa n’est pas appelée « le Paris ukrainien » pour rien. Richelieu fut l’un des pères-fondateurs de la ville, et la patte de nos architectes bleu-blanc-rouge y est toujours bien présente. Nous flânons dans ses rues piétonnes, son parc qui surplombe le port et sa promenade le long des plages de sable fin ourlant la mer noire (Parenthèse culturelle : Le saviez-vous ? La mer noire est ainsi nommée car les Ottomans utilisaient des couleurs pour qualifier les points cardinaux – noir pour le Nord, blanc pour le Sud, bleu pour l’Ouest et vert pour l’Est. L’appellation relève donc de sa géographie (au nord de la Turquie) et n’a rien à voir avec sa véritable couleur (absolument bleue on l’assure)).

Mais bien plus que l’aspect extérieur de la ville, c’est son cœur qui a fait battre le nôtre. En quelques heures, Anna, Liliia et nos amis géorgiens sont devenus une vraie famille pour nous. Nous retrouvons aussi Danis, notre dernier conducteur. Comme avec Kaan l’an dernier, nous réalisons avec lui la cérémonie de clôture de l’aventure P’tites Poucettes 2013. Pas de roses dans le Bosphore cette fois, mais des galets sur les marches de l’illustre escalier de Potemkine.
bouffeDanis commande en secret un assortiment géant de tout ce que la gastronomie odessite comprend de plus fameux et nous abreuve de vodka aux saveurs parfumées.
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Il refuse que l’on sorte un kopeck (monnaie locale, donc c’est plus que jamais le cas de le dire!) de nos poches (« otherwise I would feel like a woman »), et se réjouit de notre tristesse de quitter sa ville, bien trop tôt.
Le voyage est ainsi fait : il y a trois jours, nous nous réveillions en pleine nuit, hésitantes quant au fait de rester ou non dans le delta du Danube. Les paysages y étaient tellement sauvages que nous pensions ne jamais retrouver un lieu aussi vibrant. Et puis, on se force, on part, et de l’autre côté de la frontière, un nouveau coup de foudre. Le monde regorge d’amour, et aujourd’hui, nous sommes ses fiancées.

Capture d’écran 2013-08-26 à 09.08.53Tenez, pour notre dernière nuit, tout a concouru à nous retenir ici. La soirée de la veille ayant été pour le moins intense (on ne parle pas d’alcool sur ce blog, suivant les recommandations du ministère de la santé), nous décidons simplement – à minuit – de prendre quelques verres à la maison. A dix, nous nous rendons à la supérette du coin de la rue (ouverte la nuit donc. Ici il ne faut jamais risquer d’être à sec…). 

De retour, nous nous séparons en deux groupes pour prendre l’ascenseur. Nous montons dans le premier avec Anna (Ukraine), Lasha (Géorgie), Stanislav (Russie) et Nil (Canada), les bras chargés de vivres pour la soirée. Il est 1 heure du matin lorsque la cabine s’immobilise entre les 13ème et 14ème étage. Notre taxi pour l’aéroport est commandé pour 5h… On essaye d’appuyer sur tous les boutons (sonnette d’alarme comprise), mais plus rien ne répond…

Pas d’aération dans l’habitacle des années 50. Anna compose le numéro de téléphone scotché sur la porte. « On vous envoie des techniciens… bientôt » Inutile de préciser que l’unité de temps « bientôt » nous laisse craindre le pire. 

Mais d’un accord tacite, malgré la chaleur, le manque d’air et l’angoisse inhérente à la situation, nous décidons de faire comme si…

Que la fête commence ! On débouche les bouteilles et entamons les tablettes de chocolat. On se met à chanter, tout et surtout n’importe quoi, en français, anglais ou géorgien. On invente une chanson très à propos : We are stucked in the lift but thanks god no one goes psychotic…


Nos amis restés sur le palier de l’autre côté de la porte s’inquiètent de notre santé mentale lorsqu’ils nous entendent hurler nos chansons et de rire. Les voisins se plaignent (on voudrait bien les y voir). Toujours pas de dépanneurs. Ne pas y penser. Reboire un verre et danser, encore (sur place et sans faire trop sauter la nacelle on s’entend).


Il est 2h15 lorsque nos sauveurs entrent enfin dans l’immeuble. En russe, ils expliquent qu’ils ne trouvent pas la clé des portes et que l’opération pourrait encore prendre une heure. On se regarde, tous, transpirants et rouges comme des marathoniens, lueurs d’angoisse dans les yeux, puis on reprend de plus belle « we are stucked in a lift…« 

15 minutes plus tard, les portes s’ouvrent enfin et l’on se rue sur le palier sans terminer le couplet. On se serre dans les bras. On se félicite. On se gratifie de la chance de s’être trouvés dans cette situation avec des gens qui savent aussi bien prendre le bon côté des choses. 

Anna regrettait que nous ne sortions pas pour notre dernière nuit, qu’elle voulait mémorable, elle n’aurait pas pu imaginer mieux. 

Notre départ n’est plus qu’à deux heures. Tout le monde est épuisé. On envisage de faire une « nuit-sieste » avant de prendre l’avion. Mais nos amis affirment qu’il est hors de question qu’ils ne soient pas là lorsque nous descendrons prendre le taxi. Ils ne dormiront pas, c’est non-négociable.

Alors quoi ? On reprend la guitare et on se dit que l’on a plus de pot qu’un gagnant du loto. Pas de fric mais un trésor entre les mains : les leurs. Elles nous enlacent tandis que l’on promet de se revoir – peut-être – et de ne surtout pas oublier ces moments.

Odessa, où c’est ça ? C’est à la maison, exactement. Merci. Du plus profond de nos cœurs d’artichauts.

groupe georgiens
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Dernière ligne, pas très droite…

3h00
« Tu ne penses pas qu’on devrait rester un jour de plus à Sulina ? »
En vrac, Sandra énumère les arguments – des plus cartésiens aux plus absurdes: « ici c’est vraiment des vacances, on ne retrouvera pas un tel endroit, si on atteint Odessa après-demain, ça fera pile 28 jours… » Les contre-arguments d’Aurélie ne sont pas plus convaincants : « On s’était mis d’accord, on n’aura peut-être pas le temps en une seule journée, on ne verra rien de l’Ukraine… »

4h00
Incapables de prendre une décision, nous nous en remettons au hasard : un lei local tranchera. Sauf que la pièce roule sous le lit et demeure introuvable… 

IMG_41485h30
Le réveil nous tire d’une d’une nuit insomniaque, mais qui nous a tout de même porté conseil: c’est décidé, nous nous lançons à l’assaut de la dernière ligne droite.


6h30

Sur le pont, Sandra tente désespérément de retenir le ferry prêt à lever l’ancre. Aurélie est encore à quai, à la recherche d’un petit-déjeuner. Elle embarque tout juste à temps pour effectuer l’unique liaison quotidienne, depuis les confins du delta jusqu’à la métropole de Tulcea

IMG_7108Un pied à terre aussitôt suivi d’un pouce en l’air. Pas de temps à perdre, la journée s’annonce marathonienne. Filip et Sylvio l’ont bien compris. Père et fils acceptent de nous conduire d’une traite jusqu’à l’embarcadère de Galati.

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NB : La logique de ce trajet échappe certainement au lecteur non géographe. Ainsi la carte ci-contre fournira un précieux éclaircissement sur l'(il)logique de notre itinéraire. Notez qu’à vol d’oiseau, Odessa n’était qu’à quelques miles… Suivant l’adage que nous avons fait nôtre (l’important n’est pas la destination blablabla…) nous résistons à la tentation de parcourir le trajet en bateau (ok, admettons qu’il n’y en avait pas…). 

13h00
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Sur l’autre rive du Danube, la Moldavie n’est pas très loin. Pour l’atteindre, Viorel nous ouvre les portes de son véhicule et, par chance, son meilleur ami n’est autre que le «chef de la frontière roumaine»! Un coup de fil passé et ce dernier nous accueille tout sourire à son poste. «Elle est interdite aux piétons mais je vais vous arranger ça». IMG_7134D’autorité, il «conseille» à  la première voiture de nous prendre comme passagères. Grace à ce stratagème et à la complicité de Liubovi et Jorj, nous franchissons donc sans encombres la double frontière (c’est-à-dire, en échappant au racket des douaniers moldaves qui est légion) – non sans poireauter tout de même deux bonnes heures sous un soleil cuisant…

15h00
Le couple de « passeurs » nous dépose devant le poste frontière Ukrainien. Cette fois, nous sommes à pieds et – on est prévenues – ça peut nous coûter un bras… D’emblée, le commandant en chef (et en treillis) nous jette des oeillades aguicheuses. L’occasion de titiller deux jeunes femmes ne se présente pas si souvent. Nous aurons droit à toutes les attentions.

– Possédez vous des armes ? Couteaux, matraques, peper spray… ?
– Heu, non…

(La lacrymo nous semblant un moindre mal, nous préférons répondre par la négative à l’ensemble – alors qu’à vous lecteurs, on peut le dire, on a une petite, toute petite bombe…)
Mais bien vite, la supercherie est détectée par le rayon X du passe-bagage dans lequel on nous somme d’introduire les nôtres.

– C’est que… Heu… En fait nous n’avions pas compris la question…
– Ici, c’est interdit. Vous irez deux jours en prison. A moins que… Vous avez 10€ ?

Dépourvues de toute liquidité, nous tentons de négocier, de façon à éviter l’internement, sans pour autant nous soustraire à la corruption (les sourires niais ça marche?) En fin de compte, nous sommes simplement délestées de l’objet du délit et gratifiées d’un clin d’oeil libidineux : « Welcome to Ukrania ».

16h00
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L’ukrainien n’étant pas traité par notre guide de conversation, c’est en russe que nous tentons d’expliquer à Stepan et Nicolaï que nous voyageons en autostop. Rien n’y fait, ceux-ci nous déposent à l’entrée de la gare routière de Reni. Cependant, même si nous avions voulu tricher en empruntant l’un des bus locaux, nous aurions été bien en peine de le faire car la station est parfaitement déserte…

17h00
Vladimir ne va pas à Odessa mais peut nous conduire à Izmaïl, cela nous rapprochera. La ville n’est qu’à 50km mais il nous faut 1h30 pour l’atteindre compte tenu de l’état de la route. « c’est comme ça partout en Ukraine ? »

18h30
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Nous voici sur un rond-point, très exactement au beau milieu de nulle-part. Soudain, du néant – telle la seule âme vive de ce paysage lunaire – surgit un chien. Si il n’avait pas eu de laisse, nous aurions certainement pris peur. Mais à le voir là, ventre à terre et langue pendante, nous décidons de stopper sa course de dératé. L’animal est visiblement perdu. Que faire de lui? Nous partons en quête d’un candidat à l’adoption… 


Lorsque nous pénétrons dans une auberge, deux femmes nous gratifient d’un «comme il mignon votre chien !» Nous avons beau nous échiner à leur expliquer que ce n’est pas le nôtre, que nous l’avons trouvé là, elles ne nous croient pas. Il faut dire que notre protégé met du sien pour les convaincre du contraire. Lorsqu’alternativement, nous nous rendons aux toilettes, il hurle à la mort… 


Aurélie décide alors de l’attacher dehors et de croquer son portrait sur une affichette. Sandra consulte Google Translate afin de persuader nos hôtes incrédules : « ce chien a perdu son maître ».

IMG_7180Pendant ce temps-là, elles nous concoctent de quoi nous restaurer. Une demi-heure plus tard, nous délectant d’un bortsch maison, nous réalisons que notre compagnon s’est carapaté sans dire au-revoir… 

19h00
Plus de chien, pas de voiture, peu d’espoir. Et cette pancarte qui nous nargue… Odessa : 300 kilomètres. 

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On se donne une heure avant de trouver – sinon, nous retournerons chez nos copines aubergistes et leur demanderons asile pour la nuit (après cette journée de fou, ce sera le cas de le dire).

IMG_419419h30
Un couple s’arrête. Olga et Stanislav sont installés à Kiev mais rendent visite à leurs parents, à Izmail. Pas d’Odessa donc. Et Tatarbunary? (Que le premier lecteur qui a déjà posé un pied dans cette ville se manifeste sur le champ). Non plus.
Pourtant, ils nous font signe de monter. Le bord du chemin où nous sommes étant aussi peuplé que le Sahel, ils proposent de nous mener à un meilleur spot : une station essence (joie : ça faisait si longtemps). 

Par empathie, Stanislav décide de nous trouver lui même un conducteur. Ce qu’il parvient à faire en moins de trois minutes. Sauf que… Entre-temps, Aurélie réalise avoir, dans la précipitation, oublié son portable sur le bord de la route (près de feu le chien, donc). Ni une ni deux, notre super couple/sauveur file à sa recherche tandis que nous faisons la connaissance de Danis, l’odessite qui offre de nous conduire à destination… finale!

19h30
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Le téléphone récupéré, nous remercions Olga et Stanislav avec un enthousiasme qui doit leur échapper. Mais voyez plutôt : il y a 28 jours exactement, nous quittions Berlin. Grâce à eux, et à nos 39 autres conducteurs, nous ne sommes plus qu’à quelques heures du but.

20h00
La route va être plus longue que prévue. L’asphalte est grêlé de nids de poule et nous empêche de dépasser les 70 km/h (c’est donc vraiment partout comme ça…?). Cela au moins le mérite de nous permettre d’échanger avec Danis qui, par chance, parle anglais. Lorsque nous lui racontons l’histoire du « pepper spray » à la douane, il répond : « Ridicule! Ce n’est pas interdit ici. La preuve, tout le monde possède des armes. Là, par exemple, j’ai un gros couteau… »
– Ah… Et bien nous, on n’a même plus de pepper spray (mais toute confiance en lui, heureusement). 

21h00
A chaque carrefour, la police hèle un véhicule sur deux. « Pour eux, c’est tout bénéf’ parce que lorsqu’ils t’arrêtent pour excès de vitesse, ils te proposent soit de payer l’amende à l’État, soit de ne payer que la moitié, mais à eux ». Evidemment, la plupart des gens choisissent la deuxième option. Très rentable d’être flic…

IMG_7242Danis, qui auparavant était gogo dancer (on adore…), est désormais manager d’une entreprise de construction. Il explique que tout fonctionne à la corruption. « C’est un système à intégrer. Il y a peu de place pour les gens complètement honnêtes, si tu ne ruses pas un peu ici, tu es mort (ou pauvre, selon) ».

22h00
Preuve par l’exemple : Danis offre de faire un détour pour nous montrer l’ancienne forteresse Akkerman, à 80 kilomètres d’Odessa. Même si, après 16 heures de route, nous avons surtout hâte d’arriver, nous n’osons pas refuser.

– Mais… à cette heure-ci, ça ne risque pas d’être fermé?
– Si, c’est même sûr. Mais avec un peu d’argent, on peut ouvrir toutes les portes…

De fait, dès qu’il leur glisse des billets dans la main, les gardes nous invitent cordialement à pénétrer dans l’enceinte désertée.

IMG_7234Le lieu est à couper le souffle. Sous la (pleine) lune, nous déambulons dans les ruines du château qui domine un immense lac (excusez l’absence de précision de la description, mais à cette heure-là certains neurones ont sauté – comme nous sur la banquette arrière).

23h00
Ça y est, nous y sommes. Comme dans un rêve cotonneux, nous arrivons, enfin. Odessa, où c’est çà ? Et bien c’est juste là…

Et il semble que nos aventures ukrainiennes ne fassent que commencer (le fin mot de l’histoire, demain – si, comme nous, vous tenez jusque-là). 

Course éole

« Comment dit-on éolienne en anglais ? »

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Lonel l’ignore., bien qu’avec son frère Lucian, il ait participé à la construction de la seconde plus grande ferme éolienne d’Europe. Dans sa voiture, la cinquième depuis ce matin, on file comme le vent qui souffle dru dans la région. À 150 sur la nationale, même pas peur ! C’est que le type est un pilote.

 Nous ne pensions pas y arriver…

Ce matin, quitter notre « Mamie » bulgare a été un déchirement. Et puis, la plage de sable fin, le soleil enjoué, la mer noire si bleue et les « tsatsas » (fritures de petits poissons) semblaient s’être ligués pour nous retenir.

IMG_6997Que les sceptiques soient assurés que nous ne manquons pourtant pas de nous lever tous les matins à l’aube (après ces 28 jours, il nous en faudrait au moins autant pour récupérer, mais comme disait l’autre… « on dormira quand on sera mortes »).


Ce n’est donc qu’à 14h que nous avons quitté Varna.
Objectif : Roumanie.

IMG_4082Comme nous l’avions avoué dans notre tout premier article 2013, nous savions à peine où se situait Odessa lorsque nous l’avions élue destination de notre second périple. Et, plus nous en approchons, plus nous réalisons combien ce choix – peu stratégique – nous complique l’existence. Pour y parvenir, en moins de trois jours maintenant, il nous faut traverser la frontière Bulgare, puis la Roumaine, la Moldave et enfin l’Ukrainienne. Plus le choix donc : il faut lancer le sprint final.


IMG_6989Nous croyions moyennement en notre capacité à atteindre le delta du Danube avant la nuit (450 km plus loin, à l’extrême nord-est du pays).

Et notre départ pas franchement en flèche conforte le doute : trois véhicules en deux heures pour parcourir les 60 premiers kilomètres. Et puis, alors que nous revoyions nos ambitions du jour à la baisse, Andreea et Marius se sont arrêtés, sans même lire la destination inscrite sur notre pancarte.

– On voudrait traverser la frontière roumaine.
– On peut vous conduire jusqu’à Constanta… 

IMG_4094D’autant plus prodigieux qu’il prévoient de faire halte à Vama Veche, le village hippie où nous aurions aimé passer la nuit si nous en avions eu le temps. Un verre, huit pieds dans l’eau, juste le temps de se dire que l’on se serait senties bien sur les hamacs de cette terrasse. Ce voyage est un avant goût de tous les suivants…

 Dimanche, 19h, retour de week-end, embouteillages en direction de Bucarest… (les Roumains semblent trouver, comme nous, que les côtes Bulgares sont les plus belles).

Le trafic est dense mais nos nouveaux amis – bien qu’à 250 km de chez eux – n’hésitent pas à faire un détour invraisemblable pour nous laisser en lieu sûr, une charmante station aux abords du port de Constanta…

Il nous reste encore plus d’une centaine de kilomètres à parcourir tandis que que le soleil commence à rougir… On craint d’enfreindre notre règle (jamais de stop la nuit tombée) mais Lonel et Lucian nous aident à relever le défi. A les entendre, ils nous « sauvent la vie » (Eh oui, les statistiques sont formelles. Selon eux, nous avions 65% de chance de tomber sur un criminel. La survie ici, c’est précis).

Dans leur voiture, le vent s’engouffre par les fenêtres et la musique, à fond, s’en échappe. Nous nous faufilons entre les charrettes, doublons tout le monde en une course folle que rien ne ralentit.

IMG_7041Vingt kilomètres avant Tulcea, ils nous indiquent l’hôtel où ils logent pendant les six mois que dure leur nouveau chantier. « On va tout de même vous accompagner en ville. Vous pourriez avoir besoin de traducteurs pour trouver une chambre ». Nos « bâtisseurs de turbines » ont sacrément contribué à rendre possible notre pari du jour. Nous ne savons pas s’ils ont réellement compris ce que nous faisions là, l’histoire du Petit Poucet et tout notre tintouin, mais grâce à eux, on approche du but… Lucian baisse soudain la musique :

« Wind flower, on dit wind flower ! »

IMG_4115Le lendemain matin, nous tombons littéralement en amour avec Sulina, un village au confluent du Danube et de la mer Noire. Ses plages de sable noir, son ciel constellés d’oiseaux migrateurs et ses quadrillages de canaux sont notre Ohrid 2013. Il faut vraiment partir, si vite ? Odessa, pourquoi déjà ?

Alors que l’on se demande si l’on reste, que l’on tire à pile ou face en dégustant nos poissons grillés, une chanteuse folk entonne : « the answer my friend, is blowing in the wind, the answer is blowing in the wind ».

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D’autres vies que les nôtres

creativiteA Veliko Tarnavo, on pourrait retaper cette vieille bâtisse au pied de la Trapesista… Ce serait parfait. Il y a tout ici : la montagne, des rivières, un lac, des vieilles pierres qui racontent des histoires… On pourrait y monter un centre de créativité, avec des ateliers d’écriture, de théâtre, de musique ou de peinture… Dans cette verrière, juste là, on organiserait des représentations et des expos. On aurait un potager et une plage privée. On pourrait, oui (et pour le prix d’achat de notre salle de bain parisienne), si nous choisissions une vie sédentaire.

IMG_6937A quoi aurait-elle ressemblé, cette vie, si nous étions nées filles de Iliya, natif bulgare expatrié en France qui nous aide à quitter le centre-ville? Sûr que s’il avait été notre géniteur, nous aurions adoré partager sa vie, à cheval entre la Bulgarie et la France (depuis douze ans, Iliya travaille dans le bâtiment, en région parisienne, et il profite de l’été pour revenir aux sources) mais pour sûr, nous aurions eu plus de peine à partir en stop – il profite d’une pause café pour nous prodiguer ses conseils pour la route : seulement faire du stop dans les stations vidéo-surveillées, prendre en photo la plaque de chaque voiture dans laquelle nous montons… Lorsqu’il appelle sa fille pour que nous lui parlions en français, nous sentons bien qu’il entretient ce même rapport protecteur avec elle. Il nous dépose ensuite sur la route (dans le mauvais sens mais sur une station – condition sine qua non, donc), et ne consent à nous y laisser qu’après s’être longuement entretenu avec le pompiste à notre sujet. Il envisage même d’attendre avec nous, débordant d’attentions, et manifestement inquiet de nous laisser là. Il paraît que si nous avons un jour des enfants, nous comprendrons…

Cette fois en tout cas, Iliya ne se serait pas rongé les sangs trop longtemps puisque Vanseslav nous embarque en moins de trois minutes à l’avant da sa fourgonnette. Nous rejouons la scène du guide de conversation pour nous faire comprendre. Avec les mains et quelques dessins pour éclaircir le débat car notre ami est très loquace.

Épuisés par la richesse de nos échanges, nous faisons escale à une station essence.

Sandra : Tiens, ça sent le Burger King de Manille.
Aurélie : Moi je trouve que ça sent plutôt le cadavre…

Lors que Vanseslav rapplique, on lui demande : « qu’est-ce que tu transportes dans ta benne ? Fruits? Légumes? Matériel?… »
Il répond en mimant : des chiens morts (on le croit sur parole vu l’odeur qui émane du chargement).
Imaginez plutôt ce que contiennent les hamburgers aux Philippines…
Il nous dit que nous sommes très jolies. On se figure un instant à quoi ressemblerait notre quotidien, si on le partageait avec cet équarrisseur au grand coeur… 

oulian et annieDernier arrêt. A 90 kilomètres de Varna. Temps d’attente : moins d’une minute, avant avant qu’un couple ne nous invite à monter. Youlian et Annie ont une quarantaine d’année. Ils sont cultivés, parlent anglais, prennent systématiquement des autostoppeurs, quels qu’ils soient… Avec eux, nous abordons le sujet des manifestations qui secouent le pays depuis plusieurs mois. D’abord à l’initiative des plus pauvres (descendus dans la rue cet hiver lorsque le prix de l’électricité a été multiplié par IMG_4043trois) le mouvement de protestation est aujourd’hui repris par l’intelligentsia. En vrac, on reproche au gouvernement la corruption, les promesses non tenues d’un parti « communiste » plus à droite que l’extrême droite, la nomination au poste de ministre d’un mafieux avéré… Quelle joie de pouvoir échanger sur des sujets plus « profonds » que ceux proposés par le guide de conversation…

Le soir même, nous recevons un message de leur fils, Georgi. Il a découvert notre site, veut nous rencontrer. Une bière et une lanterne lancée à la mer et il devient notre meilleur Lanterneami. Les chats ne font pas des chiens (big up à Vanseslav). À 17 ans, Georgi est d’une sensibilité, d’une intelligence et d’une maturité à peine croyables. Il nous fait visiter la ville, nous joue de la guitare, et nous offre des petits cadeaux, pour nous porter bonheur.

Avec douze ans de moins, on aurait pu être ses soeurs, voire même ses petites amies (mais à l’époque, on avait pas encore inventé d’hommes comme ça).

MamieEnfin, à Varna (notre ville d’arrivée sur la côte – la mer Noire enfin !) une grand-mère de 90 ans passés nous propose une chambre. De prime abord elle nous demande : « vous aimez les communistes? Parce que moi je les hais. Ils ont décimé ma famille ».
Elle marche à deux à l’heure, comme pour savourer ces pas avec nous qui n’en pouvons plus. Mais le poids de nos sac, il pèse combien par rapport à celui de ses souvenirs?

Lorsqu’elle ouvre la chambre à la tapisserie fleurie et à la décoration «renaissance», elle nous dit « je suis contente que vous soyez-là, parce que vous pourriez être mes petites filles ».

Mamie and SandyOn pourrait, c’est vrai. Et, lorsqu’elle se met à chanter avec Sandra en chuchotant « je voudrais mourir comme ça, en musique », qu’elle pleure dans les bras d’Aurélie l’assassinat de ses parents, puis qu’elle nous fait rire en improvisant une visite guidée de la chambre, on se dit même que ça nous plairait bien.

Mais au fond, juste là, maintenant, nous ne voudrions aucune autre vie que la nôtre. Parce que, grâce à elle, nous pouvons imaginer toutes les autres.

Yaourt bulgare

NDLR : parler le yaourt est une technique qui consiste à produire des sons, des onomatopées ou des syllabes qui font penser qu’il s’agit d’une langue réelle.
Ceci, couplé à une méconnaissance totale de l’anglais (pour la plupart de nos interlocuteurs) produit fréquemment des échanges de ce type:

– « What is it ? »
– « Yes… »

– « Where is the center ? »
– « No… »

Voici quelques exemples des dialogues de sourds qui font notre quotidien depuis que nous arpentons les routes de l’Est. Sourdes mais pas muettes, nous nous acharnons à communiquer en toutes circonstances.

IMG_6875Pas de problème avec le concierge de l’hôtel Kempinski de Sofia, qui – clientèle internationale oblige – parle au bas mots douze langues, y compris un français académique. Il nous concocte un itinéraire et insiste pour nous que nous nous fassions conduire par l’un de ses chauffeurs en voiture de luxe (« si c’est gratuit on a le droit non ? »). Malgré tout, nous lui préférons la promenade pédestre (nous savons rester simples voyez-vous 😉

IMG_3887Nous sommes d’ailleurs très agréablement surprises par cette visite de la capitale (dont on nous avait dit le plus grand mal et qui, contre toute attente, recèle un centre-ville parsemé de vieilles églises, ruines turques et  monuments à couper le souffle). Seule ombre au tableau, l’accès aux fontaines y est désespérément interdit. 

Les choses se corsent lorsque nous pénétrons le camion-citerne de Stephen. Le chauffeur poids-lourd a beau y mettre beaucoup bonne volonté, la « communicamion » entre nous est pour le moins hasardeuse. Voyez plutôt…

(Notez la très réussie tentative de « parler-bulgare » d’Aurélie).

IMG_6887Le second chauffeur du jour maîtrise un anglais correct mais  parle surtout couramment espagnol, ayant vécu et travaillé un temps le long de la Costa Brava. Nos palais quasi-serbes permutent sans mal vers la langue de Cervantez (ou Dali, ou Nadal, ou Almodovar – selon affinités électives).


IMG_6895Le dernier chauffeur, qui assure la dernière portion de trajet jusqu’à Veliko Tarnavo n’aime quant à lui tout bonnement pas parler. Il n’aime d’ailleurs pas grand chose : ni les chocolats que nous lui offrons, ni les animaux (il ne comprend pas que nous soyons attristées à la vue du cadavre de hérisson sur le bord de la route…), ni les enfants (« qui sont comme des animaux » – les préfère t-il à l’état de dépouille?). Il n’hésite pourtant pas à réaliser un détour non négligeable pour nous conduire à bon port, empruntant les ruelles escarpées du centre historique de cette ville à flanc de colline.

IMG_3978Avant même de nous faire visiter l’établissement, le tenancier du «Nomad hostel» (un personnage fantasque auquel nous pourrions consacrer un article entier mais que nous vous invitons à découvrir par vous même si d’aventure votre route vous mène ici), nous tend deux louches et nous invite à déverser le contenu d’une marmite géante dans une série de bocaux en verre.

Du yaourt ? Bulgare?! Exactement ce dont nous avions besoin…

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De la niche au palace

« C’est pas la Côte d’Azur, mais ça vaut le détour ». Suivant les bons conseils de Stéphanie (qui – contrairement à nous – possède un guide détaillé, ne rechigne pas à se lever à l’aube et a, de fait, une longueur d’avance sur les marmottes que nous sommes), nous faisons escale à Nis (prononcez niche – d’où la subtilité du titre).

Ici, contrairement à son presque homonyme provençal, pas de promenade des anglais, ni d’anglais tout court : la quatrième ville de Serbie n’a pas la faveur des étrangers. Elle recèle pourtant quelques curiosités qui valaient bien que nous lui consacrions une étape, et un article.

Tour crânesLa plus remarquable d’entre-elles est une « tour de crânes », érigée au début du XIXe siècle par les turcs afin d’épouvanter les envahisseurs potentiels. Le message a le mérite d’être clair : « si vous approchez trop on vous scalpe ». Originellement, l’édifice mesurait 30 mètre de haut. Aujourd’hui ne demeure que la portion inférieure.

La perpective de cette attraction aguiche nos instincts macabres. Hélas, on est lundi, et le lundi, en ce pays, est l’équivalent de nos dimanches. Nous demandons donc au gérant de la sympathique « guest-house » où nous avons trouvé refuge (dont on salue au passage l’accueil plus que l’originalité – celle-ci étant baptisée «Nis hostel»…) de vérifier pour nous que la construction est bien visible en ce day off. Confirmation obtenue, nous nous rendons sur place.

Sandra mini-vieilleA l’arrivée… La grille du parc est close et le lieu aussi dépeuplé que les plages de Fukushima. Incrédules (« ils nous avait bien assuré que c’était ouvert?»), nous contournons le bâtiment jusqu’à un guichet d’apparence fantomatique (ça cadre avec le thème…). À mieux y regarder, une femme à la physionomie néandertalienne – soit minuscule – s’affaire derrière un comptoir dont la vitre est baissée. Elle nous accueille tout sourire mais confirme la fermeture du monument. « Mais on nous avait dit… ». Elle ne parle pas un mot de franglais ni d’italmand mais sait se faire comprendre. Sur un morceau de papier, elle inscrit « 100$ ». Nous comprenons, qu’elle accepte de nous ouvrir les portes de l’enfer, mais que ça nous coutera un bras… (une nouvelle tour en construction?)

Après une succincte négociation, nous parvenons à obtenir un tarif dix fois inférieur pour cette entorse à la règle. Pour 10$ donc, nous pénétrons ce cimetière vertical et obtenons même une visite guidée en serbe! Bien que nous ne captions pas un mot de son discours, la mini-vieille s’avère être intarissable et, prenant volontiers la pose avec nous, elle nous offre une compagnie des plus insolites. Même les « vanités » nichées dans la roche millénaire semblent se fendre la poire !

Ensuite : visite du cimetière juif, des ruelles pavées de la vieille ville et dégustation d’un petit hamburger « Serbian’s cuisine », avant de repartir sur la route…. 

Pano famille

En l’occurrence, celle-ci promet un grand écart… Nous quittons la Serbie pour la Bulgarie d’une part, mais surtout un dortoir pour un palace…

Sandra SofiaSandra ayant animé une conférence auprès des managers du prestigieux groupe d’hôtels de luxe Kempinski, Gerd Ruge, le manager de celui de Sofia, nous invite à séjourner deux nuits dans l’une de ses suites !

Après ces nuits agitées, l’idée de ce havre de paix nous fait déjà ronronner de plaisir… Avouons tout de même être pour le moins mal à l’aise en entrant dans le lobby, notre attirail de traveleuses-teenagers sur le dos. Le bagagiste qui s’empare de nos sacs poussiéreux semble n’avoir jamais convoyé un tel accoutrement.

photo-2Lorsqu’il nous ouvre la «chambre» (surface additionnée de toutes celles occupées jusqu’alors + celle de nos appartement parisiens respectifs…), nous découvrons que, depuis ce quatorzième étage, chacune des fenêtres offre un panoramique à couper le souffle. Un festin de bienvenue nous kempinskiattend sur la table du salon. Chardonnay au frais, fromage, charcuterie et fruits enrobés chocolat… Merci Gerd, grâce à toi nous jouons à Cendrillon (minuit sonnera demain, lorsque nous reprendrons la route vers le nord…)


Aux mauvaises langues qui ne manqueront pas de déplorer l’embourgeoisement, nous répliquerons que – tel le caméléon – nous cultivons l’art du camouflage.

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(S)top chrono

Aurélie NisPressées de quitter Guca, nous ne prêtons pas attention aux visages, ni aux carrures XXL de nos nouveaux conducteurs… À la sortie du village, le 4×4 de Milan et Vidoje démarre en trombe. Une minute plus tard, nous réalisons que nous venons peut-être d’enfreindre la règle essentielle du stop : être regardantes et se fier à l’instinct. Sur ce coup-là, le nôtre est resté bouche cousue tant il cherchait à fuir les vuvuzelas… 

Les gaillards ne parlent ni anglais, ni allemand, ni aucun dialecte dont nous aurions quelques rudiments en commun. L’un d’entre eux possède pourtant un langage corporel tout à fait développé… À chacune de nos phrases, il baise goulument nos mains sous prétexte de les serrer, n’hésite pas non plus à caresser nos genoux depuis le siège avant…

A, M & Z - lunch5 kilomètres après le départ, constatant notre trouble latent, nos hôtes téléphonent à un ami anglophone, le priant de se faire l’interprète. Par son biais, nous comprenons qu’ils nous invitent à déjeuner chez des amis non loin de Cacak avant de nous conduire à l’autoroute (où chacun poursuivra sa route – eux vers Belgrade, nous vers Nis). Evidemment, nous refusons, prétextant un rendez-vous urgent avec une amie sur place. Déçus, ils appellent alors une nouvelle intermédiaire, une « cousine québécoise » – francophone donc. Celle-ci se veux rassurante (et l’est de fait), nous expliquant que ses amis sont réellement des hommes de confiance, qu’ils ne cherchent qu’à nous aider et qu’ils se réjouissent de nous faire découvrir les spécialités culinaires de la région.

Milan ZeljicoLorsque Milan se lève pour nous passer le combiné, nous réalisons qu’il est partiellement hémiplégique. La moitié de son corps (jambe et bras gauches) est invalide. Nous évitons le sujet, mais l’imposante cicatrice qui lacère l’arrière de son crâne laisse supposer qu’il a subit un grave accident. Son enthousiasme à partager ces instants avec nous (malgré sa trop grande « expressivité » physique) nous convainc de céder à l’invitation.

Après tout, nous faisons du stop par amour des déviations…

Il s’avère que nous ne le regrettons pas une seconde. Au cours du déjeuner où nous faisons la connaissance de leur sublime cousine Nastasia, nous passons d’un échange pour le moins rudimentaire, comme celui-ci :

… à une discussion sur la culture serbe en allemand (mais pas de film, puisque, de fait, c’est beaucoup moins drôle). 

NatasaNous dégustons ensemble un jaretina u sacu, succulent mijoté d’agneau – spécialité de la maison. Nos hôtes se plient en quatre pour nous satisfaire (de fait, leurs deux mètres respectifs semblent soudain moins impressionnants). Ce n’est qu’à 14 heures, détendues et repues, que nous reprenons la route (précisons que depuis notre point de départ, nous n’avons parcouru que 15 kilomètres…).

Milan étant manifestement amoureux de Sandra, nous profitons de la paralysie de son bras gauche pour mettre en place une stratégie de défense : cette dernière opte pour la place derrière son siège, tandis qu’Aurélie s’installe au centre. Car si elle le fait hurler de rire à la moindre phrase (dont il ne comprend pas un mot…), il saisit chaque occasion pour attraper la main (au mieux…) de Sandra pour la couvrir de baisers « amicaux » mais trop humides à son goût.

IMG_6742Le trajet commence à faire étrangement écho à celui de l’aller… puisque nos compères décident à peine une heure plus tard de nous arrêter sur le parking d’un hypermarché où travaille un autre cousin de Milan. Le parcours prend des allures de présentations officielles…

Malgré notre impatience grandissante, ils insistent pour nous offrir des sorbets saveur E315. En dépit de leur sincère amabilité, nous ne pouvons nous empêcher de trouver le temps long (il est 16 heures lorsque nous quittons la zone industrielle). Il faut dire que les conversations façon onomatopées épuisent à la longue. 

Mais lorsque le péage se profile, une larme en fait autant sur la joue de Milan.

Cet homme un peu bourru est touchant (dans tous les sens du terme), et, si nous sommes soulagées de prendre un peu d’air(e), nous avons malgré tout un petit pincement au coeur face à l’émotion qui s’empare de lui lorsque nous lui faisons nos adieux.

DraganPar chance, notre second et dernier conducteur de la journée est d’une nature disons… moins expansive. Pondéré, cultivé ET anglophone, Dragan est ingénieur en travaux publics. Il nous parle histoire et politique, ne nous caresse pas les genoux, mais tout de même – afin d’assurer la transition de cette journée « à l’oeil », nous offre une glace à la station essence avant de nous déposer aux pieds de notre auberge Nisoise.

Après de longues heures sur la route pour effectuer en tout et pour tout 200km, nous réalisons avoir fait plus de stops que d’autostop, et malgré tout, avoir trouvé ça (s)top ! 

Le prix à payer

guca sandraGuca… Ce nom ne vous dit peut-être rien – pas plus qu’à nous il y a un mois à peine – mais sachez qu’en Serbie tout le monde connait ce festival de trompettes. « Une institution depuis cinquante ans », « Le plus grand du monde », « l’essence de la musique serbe », « Le meilleur de la culture tsigane » sont les qualificatifs que nous avions entendus avant le départ (une connaissance de France nous l’avait si bien vendu que nous avions prévu notre itinéraire pour y parvenir à temps).

Et puis, récemment, nos amis de Belgrade nous avaient quelques peu refroidies. D’aucuns allant même jusqu’à parler de Guca comme d’un avant-goût de l’enfer. Nous ne les écoutions que d’une oreille, bien sûr – excitées que nous étions de découvrir ce petit village vibrant aux airs de Goran Bregovic.
Pano Guca

A l’arrivée, en lieu et place du fameux bourg de 5000 habitants à l’année, sont amassées 300 000 personnes. Si des fanfares gitanes animent effectivement les terrasses des restaurants, les disques de musique électronique des stands partenaires en font tout autant. Si des rondes de jeunes serbes se forment un peu partout, elles doivent enjamber les corps de ceux qui cuvent leur rasade du jour. Si les cuivres nous donnent la chair de poule, les vuvuzelas vendus à la sauvette ont tôt fait de couvrir leur musique.

Bien sûr, on ne veux pas généraliser et tout assombrir ainsi. D’ailleurs, pendant deux jours, nous nous acharnons à regarder le bon côté des choses. Le soir, dans le grand stade, des orchestres du pays concourent devant un public de fans. Toutes les générations chantent et dansent ensemble sur ces rythmes virtuoses. On rit aussi, souvent, en échangeant trois mots de serbe. Certains tentent de nous apprendre le Kolo (danse traditionnelle). Nous sommes surprises de constater combien ces airs rassemblent même – et surtout – les jeunes. Les musiciens sont époustouflants, c’est indéniable. 

cochons grilléssecurityMais à la seconde où l’on quitte le stade pour le centre-ville, entre les cochons qui rôtissent et les torses qui dégoulinent, la nausée nous reprend.
drapeauxIMG_6649Des types nous prennent par le cou ou par la taille (dans le meilleur des cas), soufflant au passage leur haleine chargée de Rakia.

Les rues sont tellement bondées qu’il nous faut près d’une demi-heure pour traverser l’artère principale et regagner notre chambre chez l’habitant – chambre dont, au passage, on avait oublié de nous préciser que le prix annoncé au téléphone était un prix « par personne » et non « par chambre ». Nous sommes deux et pour deux jours, passe encore, mais nos voisins de palier, des « fanfarons » franco-serbe (cinq enfants et quatre adultes), ont droit au même tarif alors qu’ils sont entassés dans une seule pièce..

Evidemment les habitants profitent du festival dont ils subissent l’affluence cinq jours par an. Mais de là à facturer un matelas au prix d’un hôtel parisien…

Statue trompetisteOn s’étonne à peine de voir les musiciens dormir à même le trottoir après les concerts – leurs frais n’étant pas pris en charge, ils vivent seulement de l’argent qu’on leur donne en échange de « prestations » (mini concerts privés aux tables des cafés). Ils partagent le bitume des ruelles les plus calmes (terme relatif ici) avec leurs instruments, entourés des cadavres de bouteilles et des presque-cadavres de ceux qui les ont descendues…


Après 48 heures et malgré quelques jolies rencontres (big-up à nos amis voyageurs à vélo s’ils passent par là entre deux montagnes), nous décidons d’écourter notre escale au réveil. Dans le jardin de la maison familiale où nous logeons, alors que d’autres « invités » sont attablés devant le petit-déjeuner, nous demandons s’il est possible de manger quelque chose. « Bien sûr, c’est douze euros ». Pour ce pays où l’hospitalité semble inscrite dans les gênes, c’est un comble… Mais tout se vend ici. Le moindre mètre carré habitable est loué. La famille franco-serbe finit par nous inviter à sa table (ces passionnés de culture gitane ont été la lumière de notre séjour) et nous repartons sur la route, plus tôt que nous ne l’avons jamais fait.

Il y a quelques dizaines d’années, Guca était, semble-t-il, un festival de musique.

Aurélie trompette

Pipo et trompettes

IMG_6579«Putain, il fait chaud aujourd’hui» Rituel quotidien, Sandra fait l’amer constat d’un mercure au sommet.
D’ordinaire, Aurélie trouve qu’elle exagère mais ce matin (ce midi… retard chronique oblige), elle corrobore ses propos : Belgrade est une étuve.

Il nous tarde de gagner Guca, une station d’altitude au sud du pays où les températures promettent d’être plus clémentes. Et puis surtout, il s’y déroule un festival de fanfare – dont nous vous réservons quelques nouvelles (caliente) dès ce soir.

IMG_6574Nous profitons de nos adieux avec Dunja pour la consulter sur la direction à suivre puisqu’elle n’est indiquée nulle part (avez-vous déjà cherché une pancarte Val d’Isère à Paris ?) et grimpons dans dans le premier tram semblant y conduire. Malheureusement, il bifurque et s’engouffre sur l’autoroute, dans le sens opposé….

Cette erreur d’aiguillage nous mène au beau milieu d’un embrouillamini de voies rapides nous rappelant quelques parties endiablées de « Mario Kart » (sur Super Nintendo hein, on est des vieilles… ). S’en extraire s’avère mission impossible.   Traverser, une mission suicide… Inutile de préciser que le soleil est toujours au beau fixe.

IMG_3709Vladimir qui passe par là prend pitié de nous « pauvres femmes au bord de la route et de la crise de nerfs » et nous dépose à l’entrée de l’autoroute pour Caçak (la ville la plus proche de Guca).

A partir de là, tout s’enchaîne très vite et nous sommes peu regardantes vis à vis du premier véhicule daignant s’arrêter. Au volant, un mini-monsieur un peu bossu, avec un jeune chauve pour copilote, tous deux parlant anglais aussi couramment que nous serbe. Le trajet va être long…

Après 20 minutes de route, les deux compères nous invitent à nous restaurer sur une aire de repos. Nous n’avons ni faim, ni soif mais comme ils ont l’air d’y tenir, nous cédons. La collation prend rapidement des allures de date à l’américaine (la classe en moins) et la conversation, celle d’une drague à peine voilée. « Et sinon nous on est célibataires et vous ? »

 Nous concoctons une réponse « actor studio » en trois actes :

  •  Sandra est guitariste fiancée à un pianiste
  • Aurélie va se marier en décembre avec un violoniste
  • Nous nous rendons à Guça pour y retrouver les producteurs de nos formations musicales respectives.

IMG_3711Leur ardeur momentanément calmée, nous reprenons la route – mais ils renouvellent leurs avances à l’aire de repos suivante. A l’Hippopotamus local, notre quatuor dénote – d’autant qu’un autocar plein à craquer de footballeurs locaux vient de débarquer. Nous ne pouvons retenir quelques oeillades (réciproques) en direction de ces athlétiques Apollons. Mauvaise pioche… À une minute près, leur bus se serait peut-être arrêté (mais vite, vite, oublions cette mauvaise pensée, souvenons-nous de nos maris musiciens). 

Goran et Zeljko nous rembarquent pour le dernier tiers du parcours. Manifestement heureux de notre présence, ils se retournent à maintes reprises pour nous prendre en photo, nous chanter des chansons…

Parvenus à destination, ils sont si protecteurs qu’ils tiennent à attendre avec nous la personne censée nous héberger. Nous sommes finalement presque tristes de les quitter (d’autant plus face au spectacle de ce qui semble nous attendre au festival…).

DSCF5712Mais dès le soir même, nous les recroisons par hasard dans la ville. Leur gentillesse désarmante nous fait presque culpabiliser de nos menus mensonges…

Après quelques bières partagées, nous poursuivrons nos routes respectives… En fanfare !