Tallinn and out

Notre 37ème et dernière conductrice est une femme ! Maia nous sauve in-extremis de l’averse. Elle rentre chez elle, à Tallinn, notre dernière étape « terrestre ». Elle avoue ne pas savoir pourquoi elle nous a invitées à monter. « Je ne prends jamais d’autostoppeurs mais quand je vous ai vues, j’ai eu envie sans réfléchir ». Ne pas faire peur, attiser la curiosité, l’envie de se connaître, voilà tout le concept de ce voyage. Sur ce point, le pari est réussi.

MaeaElle s’inquiète – comme tous les autres – de savoir si le stop n’est pas trop dangereux « pour des filles ». Nous lui expliquons – comme aux autres – que c’est justement parce que l’on est des filles qu’il est important de le faire. « Vous êtes des féministes ? ». Étrange comme dans sa bouche, le mot sonne comme une injure. Si être féministe c’est vouloir l’égalité, la liberté de penser et de se mouvoir, refuser que certaines activités ne soient réservées qu’aux hommes – plus « forts » plus « capables de se défendre », alors oui, nous sommes féministes. Maia, elle, dit ne pas l’être du tout. Elle aime que son homme gagne plus, lui achète de beaux vêtements, lui ai offert cette voiture. Elle apprécie les «tâches de femmes». « Tu veux dire le ménage ? » Oui, entre autres. Entretenir la maison, tout ça…

Elle a l’âge de nos mères mais une culture bien différente. Une culture où l’on reste à sa place : celle que la nature nous a attribuée selon que l’on soit ou non pourvues d’un pénis. Pas de pénis pour nous donc, mais des couilles peut-être – du moins si  «en avoir» signifie «oser» (puisque selon le langage commun, cela va « de paire »). Grâce à elles, on découvre des mondes, tout proches du nôtre, dont nous n’avions pas idée.

Talinn-jardin-experimentalComme à Tallinn, celle ville qui à première vue est une capitale musée où débarquent chaque matin, des milliers de croisiériste en sandales, appareil photos visés sur le nez. Si l’on n’y avait pas glissé un pouce hors des murs d’enceinte, nous nous serions arrêtées à cette image de carte postale.

Et pourtant, Tallinn a tout du Berlin des années 2000. L’avant-garde s’y prépare. Dans chaque usine, chaque recoin du port, jusqu’à l’ancienne prison réquisitionnée pour des soirées électro de plein air, la jeunesse bouge, transforme.

Talinn-.barjpgLaur, jeune metteur en scène, nous dit « Dans les années 90, juste après le communisme, c’était l’euphorie générale. On croyait que tout était possible. Aujourd’hui c’est plus compliqué, mais devoir s’adapter à une situation économique et politique difficile c’est réinventer le système. ». 

Rahel, comédienne improvisatrice, nous confie quant à elle que les estoniens ont du mal à exprimer leurs émotions, à moins qu’ils n’aient trop bu. Sobres, ils sont loin d’être excentriques.

Talinn-soiréePourtant dans l’ancienne fabrique où nous dansons jusqu’à l’aube, la gêne n’est pas de la partie. Tout le monde nous parle (et pas seulement ceux dont le taux d’alcoolémie plafonne).

A croire que cette fameuse réinvention est d’abord une réinvention de soi-meme. Sortir de sa timidité (parce qu’à des degrés différents, tout le monde est timide, même nous, si, si.) pour aller vers des inconnus. C’est l’essence du stop, mais c’est aussi la philosophie du voyage en général. Ne pas regarder par l’oeilleton de sa caméra. Ne pas trop regarder tout court d’ailleurs. Grimper sur scène et jouer avec les autres plutôt que de rester spectateur. 

Tallinn nous a offert un super terrain de jeu. Mais après deux nuits blanches, il nous faut aller nous coucher, un peu. Demain nous prenons la mer. 

Tallinn-port

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